Psychologies (France)

Islande : les secrets d’une terre magnétique

Très prisée pour ses bains chauds, ses fjords, ses geysers et ses aurores boréales, cette île volcanique met les sens en éveil. Encore faut-il se laisser guider vers des territoire­s inconnus pour que la magie opère avec plus d’intensité et de subtilité.

- Par Agnès Rogelet

“Ma première nuit islandaise, je l’ai passée au “royaume des elfes”, dans les fjords de l’Est. J’ai rêvé d’une cité sous-marine habitée par ces êtres, avant de tomber bien plus tard sur un livre qui l’évoquait dans une légende. Ça interpelle », confie Jean-Marc Plessy, cofondateu­r de l’agence de voyages Alkemia1. Adepte du slow tourisme, il

a débarqué en Islande en bateau et y est resté. Aujourd’hui, ce praticien en shiatsu, professeur d’aïkido et de qi gong, mais aussi guide et photograph­e, ne conduit jamais directemen­t les visiteurs dans cette région peu fréquentée. Pas avant qu’ils ne se soient dépouillés de toute avidité.

Oublier le planning et les sites « incontourn­ables » permet, selon lui, de se confronter avec davantage d’acuité à la singularit­é de la « terre de glace »… et à soi-même. Croire ou ne pas croire aux elfes qui protègent l’environnem­ent et aux trolls responsabl­es des catastroph­es au moindre éternuemen­t n’est pas important.

Un mysticisme palpable

Les Islandais eux-mêmes détournent parfois des routes pour ne pas les déranger, mais oscillent entre conviction, superstiti­on et indifféren­ce. L’un d’eux, l’historien et anthropolo­gue Magnus Skarphedin­sson, propose une « école des elfes2 » aux touristes souhaitant écouter des histoires à propos de cette cohabitati­on mystérieus­e. Mais pour Hélène Magnússon, autre expatriée française qui conçoit des voyages thématique­s sur le tricot3, ces créatures incarnent avant tout la nature. « Il suffit d’évoluer sur cette terre insulaire pour en comprendre le mysticisme, dit-elle. Vent, tempêtes, éruptions, brouillard… Je me sens minuscule, insignifia­nte et, en même temps, faisant partie d’un vaste monde. »

Entre ciel et terre

Grâce à la marche, qui engendre un rythme lent et une saine fatigue, nos images d’Épinal s’effacent au profit d’un ressenti corporel et émotionnel aiguisé. « J’aime débuter mes voyages par Kerlingarf­jöll, la montagne des sorcières. Le sol bout partout, un vrai chaudron ! Certaines personnes pleurent en sentant la terre vibrer sous leurs pieds, observe Jean-Marc Plessy. Ensuite, la perception devient plus subtile quand l’itinéraire aborde les volcans, puis le royaume des elfes, où les ruisseaux et la mousse créent un décor plus accueillan­t. » Ponctuer ses randonnées de pauses yoga ? « En Islande, on oublie ces outils », modère ce praticien en bien-être, qui encourage plutôt à faire le vide. S’allonger sur les pierres noires râpeuses sans souffrir d’inconfort. S’asseoir au pied des chutes d’eau qui « lessivent » le mental. Se laisser hypnotiser par les aurores boréales, porté par le feu tellurique du sol volcanique et par celui du ciel qui danse…

Des énergies nouvelles

« Tout le monde parle d’énergie en Islande », note la tricoteuse Hélène Magnússon, qui invite à s’inspirer des motifs d’un glacier pour façonner un minipull

lopi, typiquemen­t islandais. Créativité, vitalité personnell­e… Sur cette terre, le magma affleure à un kilomètre sous les pieds et semble transmettr­e une « force d’émergence ». Cette île jeune, surgie de l’Atlantique il y a vingt millions d’années, fume, exhale une odeur de soufre, refroidit, verdit, renvoyant à ce qu’il y a de vivant en soi. « Elle gagne environ deux centimètre­s par an. La fameuse éruption du volcan Eyjafjöll en 2010 a fait naître une montagne, transforma­nt la terre sous nos yeux. Ça chamboule ! D’ailleurs, le voyage a souvent un effet thérapeuti­que », ajoute-t-elle. L’esprit se libère sur ce sol également épargné par la mémoire des guerres, la pollution et la surpopulat­ion.

Au Blue Lagoon, près de Reykjavík, « piège à touristes issu de la géothermie industriel­le », Jean-Marc Plessy préfère le tout aussi bleu lac Mývatn, dans le Nord : un bain d’eau pure à 42 °C entre deux plaques tectonique­s, qui donne « l’impression d’entrer dans le ventre de la terre-mère », commente-t-il. Ou ces sources à 38 °C découverte­s par hasard dans les fjords de l’Ouest en voyant de la fumée sur la plage. Une détente vraiment incontourn­able ! « Sans les bains, je ne me serais pas installé en Islande. C’est ce qui rend ce pays si bouleversa­nt, humainemen­t possible à vivre », avoue-t-il.

1. alkemia. is. 2. elfmuseum.com. 3. Excursions réservées à des initiés (islandtour­s.fr). Le blog d’Hélène Magnússon : helenemagn­usson.com.

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Se baigner entre deux plaques tectonique­s dans le lac Mývatn, dans le nord du pays.
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Cascade de Gullfoss, sur la rivière Hvítá : des chutes d’or.
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En haut : le sol bouillant de la montagne des sorcières, à Kerlingarf­jöll (à g.) et le lac d’Askja (à dr.) En bas : le fjord Djúpivogur, sur la côte est.
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