La surprenante théorie des signatures
La médecine s’est autrefois appuyée sur une méthode d’observation particulière des plantes et des aliments pour soigner. Prise en défaut depuis, elle reste une référence pour certains thérapeutes, qui considèrent que la nature a toujours à nous apprendre.
Rienn’ est sans signe. » C’est par cette affirmation que Paracelse, médecin et théologien suisse du XVIe siècle, illustrera une théorie que médecins et botanistes mettront en pratique jusqu’à la fin du XVIIe siècle. En cherchant des remèdes dans la nature, il remarque que les plantes détiennent des caractéristiques ( forme, couleurs, odeur, écosystème, mode de floraison) qui permettent de découvrir leurs propriétés médicinales : des signatures. Il s’appuie sur un principe connu depuis l’Antiquité. Celui de similitude – simi
lia similibus curantur, « les semblables soignent les semblables » –, qui fait le lien entre la forme des plantes ou des aliments et la partie du corps humain que l’on souhaite soigner, l’une ressemblant à l’autre. Plusieurs centaines de composés naturels seront recensés et recommandés pour leurs « signes ». Par exemple, le pavot, dont la capsule surmontée de sa couronne sur la tête signale qu’il a le pouvoir de soigner cette dernière. Pour le millepertuis, ou herbe de la Saint-Jean, préconisé pour « chasser les ténèbres et les appréhensions », c’est son caractère solaire – une fleur jaune qui s’épanouit juste après le solstice d’été – qui instille son pouvoir de guérison. La prêle, dont la tige
rappelle la colonne vertébrale, est considérée comme efficace contre le mal de dos ; très minérale (elle crisse sous les dents), cette « plante de structure » convient aux frêles citadins, surtout s’ils sont longilignes – de type « fil de fer ».
« Une théorie méconnue, souvent jugée simpliste, mais qui fut pourvoyeuse de nombreux remèdes, dont certains sont encore utilisés de nos jours », souligne Pierre- Baptiste Laurent, docteur en pharmacie et auteur d’une thèse sur le sujet. C’est en effet le cas de la morphine, molécule issue du pavot, ou de l’aspirine, tirée du saule (celui-ci pousse dans les lieux marécageux et soigne les affections qu’on y rencontre : fièvres et refroidissements). « Garder un regard sur le passé, cela éclaire le présent et évite à la médecine de se figer », remarque Éric Lorrain1, médecin phytothérapeute, qui reconnaît que les signatures sont un bon moyen mnémotechnique pour retenir l’action de plantes ou d’aliments. « En tant que médecin, on ne doit pas s’interdire d’interpréter l’environnement, poursuit-il. Cette théorie démontre une certaine intelligence de la nature, qui trouve une façon de communiquer avec l’homme sachant l’observer. » 1. Auteur de Cinquante Solutions plantes pour votre santé au quotidien ( Tallandier).