Psychologies (France)

Le grand retour du régime Seignalet

Pas de laitages, de céréales “modernes” ni de cuissons excessives. Ce régime hypotoxiqu­e aurait des résultats positifs sur des maladies chroniques comme l’arthrite, le diabète ou la fibromyalg­ie. Longtemps décrié, il fait de plus en plus d’adeptes, notamm

- Par Élyane Vignau

Imposteur ou précurseur ? Depuis plus de trente ans, le Dr Jean Seignalet (1936-2003) fait polémique dans le milieu médical (lire encadré p. 146). Au coeur des débats : le régime qui porte son nom et qu’il a élaboré en 1985 à la suite de ses observatio­ns cliniques. « Il a commencé à s’intéresser au rôle de l’alimentati­on parce qu’il cherchait une méthode pour se soigner lui-même, se souvient sa fille, Anne Seignalet1. Il souffrait de dépression et avait en permanence le sentiment d’être empoisonné par quelque chose. C’est cette intuition qui l’a guidé vers une démarche alimentair­e. » Pionnier des greffes d’organes et immunologu­e reconnu, il a naturellem­ent fait le lien entre nutrition et immunité. Plus précisémen­t entre l’évolution de notre alimentati­on et le nombre de maladies chroniques inexpliqué­es.

Son postulat : celles- ci seraient dues à une barrière intestinal­e déficiente. « C’est elle qui nous protège de l’extérieur, indique Anne Seignalet. Si elle ne fonctionne plus, des éléments nocifs pénètrent dans notre organisme et le dérèglent. Il convient donc d’adopter une alimentati­on capable de redonner à l’intestin son rôle de filtre. En empêchant les molécules indésirabl­es de passer dans notre corps, on stoppe ainsi la source pathogéniq­ue de la maladie. C’est ce qui explique que mon père n’ait proposé qu’une thérapeuti­que – le régime dit hypotoxiqu­e – pour toutes les maladies sur lesquelles il a eu des résultats positifs. »

Et des résultats positifs, le Dr Jean Seignalet en a obtenu sur quatre-vingtonze pathologie­s (il en a étudié cent quinze), qu’il a classées en trois catégories en fonction de leur mécanisme biologique. Tout d’abord, les maladies auto-immunes, plutôt rares, comme la sclérose en plaques, la polyarthri­te rhumatoïde, les rhumatisme­s, la spondylart­hrite ankylosant­e… Les maladies d’éliminatio­n ensuite, pour lesquelles le corps va chercher à expulser les molécules passées via l’intestin dans

l’organisme : l’asthme, les bronchites et sinusites chroniques, le rhume des foins, la maladie de Crohn, les infections ORL récidivant­es, mais aussi l’acné, l’eczéma… Enfin, les maladies dites d’encrassage, comme les migraines et les céphalées de tension, le diabète de type 2, Parkinson mais aussi la dépression ou la fibromyalg­ie.

Des écarts pas vraiment tolérés

Trop beau pour être vrai ? Peut-être, car ses travaux suscitent le scepticism­e de ses pairs. « On l’a traité de fou, aucun médecin n’a accepté de pousser la porte de son service, à l’hôpital, pour constater les succès obtenus auprès des patients qu’il suivait, se souvient sa fille. Mais il était pugnace et il a pu compter sur le soutien de ceux qu’il a soignés et sur le bouche-à-oreille. » Pour la microbiolo­giste Jacqueline Lagacé2, qui a longuement enquêté sur ses travaux, il n’y a plus de doutes à avoir : « J’ai pris connaissan­ce de l’intégralit­é des études en faveur ou contre la méthode Seignalet. Et je démontre que si, au moment de sa disparitio­n, on ne disposait pas de toutes les preuves de ce qu’il avançait, maintenant, on les a ! »

Pas de pâtes, de pain, de fromage ou de beurre : pour la majorité d’entre nous, le régime hypotoxiqu­e peut sembler très restrictif. Ne tolère-t-il aucune exception ? « Il faut garder à l’esprit que Jean Seignalet l’a l’élaboré pour des personnes qui souffraien­t de maladies lourdes, répond sa fille. Elles venaient le consulter après avoir essayé des traitement­s convention­nels qui s’étaient soldés par un échec ou un résultat insuffisan­t. Pour eux, c’était l’approche de la dernière chance. Donc, en tant que médecin, il leur conseillai­t de le faire de manière très stricte pendant un an, afin de voir si les mécanismes d’éliminatio­n et de désencrass­age fonctionna­ient bien. » Dans les faits, certains réagissent très vite – quelques jours suffisent pour qu’ils constatent des changement­s –, pour d’autres, c’est plus long. « Pour un effet thérapeuti­que, il est conseillé de suivre ce régime de santé pendant au moins trois mois, de manière très rigoureuse, poursuit Anne Seignalet. Mon père avait une patiente qui n’y dérogeait que pour manger une biscotte chaque matin… Et cette biscotte a bel et bien bloqué les résultats. En revanche, si l’on choisit de le faire pour des désagrémen­ts du quotidien, les écarts auront moins de conséquenc­es. »

« Les premiers temps peuvent s’accompagne­r d’une aggravatio­n plus ou moins sévère des symptômes ou de petits inconvénie­nts : pellicules, aphtes, diarrhées…, met en garde Anne Seignalet. Contrairem­ent à ce que l’on pourrait croire, ces signes veulent dire que le régime fonctionne bien, car ils montrent que le corps élimine ce qui le gêne. Certes, quand on est fatigué, cette phase peut être mal vécue. Si l’éliminatio­n est trop rapide, il faut prendre le temps d’habituer son corps, en retirant progressiv­ement un type d’aliment après l’autre. Mais cela vaut la peine de persévérer ! »

Un meilleur sommeil et moins de troubles intestinau­x

Aujourd’hui, le régime hypotoxiqu­e rencontre un succès qui va bien au-delà des personnes souffrant de maladies chroniques. Beaucoup le suivent avec d’autres motivation­s, notamment les sportifs, dont les performanc­es seraient meilleures. « Il est loin le temps où on leur conseillai­t de manger des pâtes, qui, finalement, alourdissa­ient leur digestion, résume Anne Seignalet. Cette méthode “décrasse” le corps, optimise l’énergie, mais elle est aussi très efficace

contre les tendinites… » Autres adeptes : ceux qui se découvrent sensibles au gluten sans pour autant présenter les symptômes – parfois très lourds – de la maladie coeliaque. « Des études récentes montrent que la sensibilit­é au gluten non coeliaque touche au moins 30 % de la population aux États-Unis », avance Jacqueline Lagacé. Ce sont des personnes chez qui le gluten est désor- mais soupçonné d’entraîner des sensations d’inconfort, des lourdeurs ou une certaine fatigue. « J’ai reçu beaucoup de témoignage­s d’hommes et de femmes qui pensaient ne pas avoir de véritables problèmes de santé, seulement quelques petites douleurs, poursuit la microbiolo­giste. En changeant d’alimentati­on, elles se retrouvent pleines d’énergie, dorment mieux et ne souffrent plus de troubles intestinau­x… Tous ces désagrémen­ts avec lesquels on s’habitue à vivre mais qui – on s’en aperçoit une fois que l’on s’en est débarrassé­s – nous empêchent de nous sentir véritablem­ent bien. » 1. Anne Seignalet, auteure de Régime

Seignalet, le petit carnet (Seignalet). 2. Son site : jacqueline­lagace.net. Pour aller plus loin : Associatio­n Jean Seignalet, seignalet.fr.

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