J’ai envie de tout envoyer promener !
« C’EST UN RAS-LE-BOL GÉNÉRAL, confie Marc, 42 ans. Ce boulot de consultant qui n’a aucun sens, cette famille toute propre mais au fond bien égoïste, ces “loisirs” qui sont des habitudes mais ne font plus plaisir, et même l’école qui lobotomise les garçons ! Avec Éléonore, mon épouse, on a envie de tout envoyer promener ! » C’est la rentrée et nous sommes nombreux à lorgner l’herbe apparemment plus verte du voisin, ou à penser avec nostalgie aux vacances. Chers amis animés par la tentation de Venise, ne paniquez pas ! « L’expression même parle de désir (“envie”) et de mouvement (“promener, balader”), relève la psychanalyste Sophie Muller1. C’est la vie qui s’exprime. » Nos experts sont unanimes : il s’agit d’une réaction plutôt saine… dans la mesure où nous l’interrogeons pour la comprendre et la mettre à profit.
Je sature. « Nous vivons une époque complexe, remarque Jacques Marcout2, coach et hypnothérapeute. Rien n’est facile ni confortable, alors que notre cerveau, lui, aime la sécurité et la simplicité. Nos vies familiales, sentimentales, professionnelles, sociales nous demandent des efforts permanents, nous saturons d’informations à traiter. Il est compréhensible qu’un jour nous craquions ! Accablés par un sentiment d’impuissance et surtout une perte de sens, nous nous disons : “Et puis zut ! J’abandonne.” Cette envie est le signe d’un épuisement psychique. Notre inconscient nous enjoint d’arrêter. » Et il a probablement raison car, à défaut d’une pause, le corps pourrait prendre le relais et créer des troubles psychosomatiques.
Je veux être moi-même. Pour Brigitte Vienne3, psychologue et psychothérapeute, « cette pulsion est l’expression d’un sentiment d’incomplétude, qui engendre une colère à l’adresse de l’extérieur. La crise de l’adolescence ou celle de la maturité en est le reflet : nous en avons assez de cette vie conditionnée par les injonctions éducatives puis sociales, nous avons envie d’être nous-mêmes ». Dans nos têtes, l’équation est simple : c’est en rejetant l’extérieur que notre identité, notre « intérieur », pourra enfin s’exprimer librement. « Comme si le renouveau impliquait nécessairement la destruction. Cet archétype correspond d’ailleurs au “dégagisme” apparu dans la campagne présidentielle. »
Je suis tiraillé. « C’est une sonnette d’alarme qui dit le besoin urgent de se reconnecter à soi, constate Sophie Muller. C’est un moment clé de notre vie, un climax de la bataille entre le ça ( la pulsion, le désir archaïque qui dit “Vas-y ! Envoie tout promener !”) et le surmoi ( le censeur, la petite voix raisonnable qui ordonne “N’y va pas. Serre les dents !”). Mais c’est une belle occasion : de ce conflit psychique peut émerger le moi, à la fois libre et responsable, donc un nouvel équilibre intérieur, plus juste, plus serein. » Avant de jeter le bébé avec l’eau du bain, mieux vaut veiller au confort du bébé.
1. Son site : lapsyactive.com. 2. Auteur de Comment accepter le changement ( Dangles). 3. Son site : aucentredesoi.fr.