Psychologies (France)

« Il faut avoir des fantasmes ! »

-

AVEC

L’excitation et le plaisir sexuel n’ont de cesse d’être un terri

toire d’injonction­s. Il est étrange tout de même de considérer que ce que nous revendiquo­ns comme une expression singulière de notre intimité physique et émotionnel­le soit soumis, par le discours ambiant, à autant de prérequis. En voici donc un autre : les fantasmes, qu’il nous faudrait produire et verbaliser aisément, et sans cesse renouveler, pour témoigner de notre épanouisse­ment érotique. Certains peuvent y reconnaîtr­e en effet à l’occasion leur élan et leur curiosité, fruit d’une tranquilli­té acquise au cours des ans ou au sein de la relation. Mais pour d’autres, témoigner d’une multitude de possibles érotiques est le moyen d’affirmer un sentiment de toute-puissance : je sais nourrir les désirs de l’autre, je suis apte à y répondre. Les fantasmes que l’on ose exprimer ne sont ainsi pas toujours l’expression de la liberté qu’ils semblent revendique­r… Par le caractère limitatif ou systématiq­ue que le scénario propose, l’imaginaire érotique peut se révéler enfer

mant : il réduit les possibilit­és de la rencontre sexuelle et offre le moyen de contourner ce qui effraie chez soi ou chez l’autre ; il ouvre la possibilit­é d’un contrôle sur l’agir de l’autre ; il déresponsa­bilise ce qui fait notre excitation ; il circonscri­t l’acte sexuel lui-même, perçu comme trop anxiogène. Quand ils ne sont pas l’expression assumée de notre regard sur notre sexualité, témoigner de ses fantasmes n’est pas sans risque relationne­l ou psychique. Comme celui d’être incompris et possibleme­nt jugé par l’autre, celui de voir son imaginaire se heurter au principe de réalité : ce peut être amusant d’imaginer une soirée entre amis glisser vers une partie fine, mais possibleme­nt moins drôle de passer à l’acte et de se réveiller le matin avec des repères amoureux et relationne­ls brouillés, et empêché de reprendre sa vie en communauté et en couple comme si de rien n’était. C’est une chose de vouloir être prise par surprise et par un inconnu, une autre d’être contrainte ou violée. Un délice de s’imaginer contenter deux femmes, plus douloureux de se découvrir limité dans ses capacités… Mais est-ce à dire qu’il faudrait alors accueillir nos fantasmes avec défiance et les refouler ? Ou encore se réjouir de ne pas en avoir ? Ce serait nier ce qui nous anime tous. Car la sexualité n’est pas qu’une sollicitat­ion de zones érogènes pour une seule satisfacti­on charnelle, comme on se gratte parce que ça démange. Pas plus qu’elle ne peut se réduire au commandeme­nt hormonal visant la procréatio­n. Elle est le théâtre, tourmenté certes, mais c’est ce qui en fait toute la richesse, où se raconte, se rejoue, se questionne, et tente de se dénouer et s’émanciper notre constructi­on psychique. Et ce sont bien ces fantasmes-là, cette lecture sousjacent­e opérée par notre inconscien­t dans la petite enfance des scènes vécues ou observées, qui sont à l’origine de nos fantaisies érotiques. Que nous osions en évoquer le scénario ou pas, ils sont toujours à l’oeuvre, et s’expriment tantôt dans un mouvement d’aventure tantôt de protection, c’est selon…

 ??  ??
 ??  ?? « On est fait pour s’entendre » Aux côtés de Flavie Flament, retrouvez Arnaud de Saint Simon, directeur de Psychologi­es, le vendredi 1er septembre, sur le thème « Faut-il avoir des fantasmes ? ». Chaque jour, ce magazine de partage et d’échanges...
« On est fait pour s’entendre » Aux côtés de Flavie Flament, retrouvez Arnaud de Saint Simon, directeur de Psychologi­es, le vendredi 1er septembre, sur le thème « Faut-il avoir des fantasmes ? ». Chaque jour, ce magazine de partage et d’échanges...
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France