Psychologies (France)

Vos questions à Claude Halmos

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À quel moment devons-nous expliquer à nos filles comment elles ont été conçues ? Je ne pouvais pas avoir d’enfants, et nous avons eu recours, ma femme et moi, à une inséminati­on avec donneur. Nos jumelles ont 4 ans. Quand faudra-t-il leur parler de leur conception ? Mathias, Orange

Vous me dites, Mathias, que vous avez, avec leur mère, parlé à vos filles, dès

leur premier mois, de la façon dont elles avaient été conçues. Cela prouve que vous les considérie­z, déjà, comme des personnes à part entière. Et cela a été, sans nul doute, très important et très sécurisant pour elles. Il vous semble néanmoins nécessaire, aujourd’hui, de leur en reparler car vous craignez qu’elles ne soient surprises par des bavardages de votre entourage (qui est au courant). Vous me demandez quand le faire. Tout de suite. Et le plus tôt sera le mieux, car elles ont besoin de pouvoir parler clairement et simplement, avec leur mère et vous, de ce qu’elles savent déjà. Comment leur en parler ? En leur expliquant (ou en leur réexpliqua­nt) la différence des sexes, la sexualité, la conception des enfants. Et la nécessité, pour qu’elle soit possible, que se rencontren­t un ovule et un spermatozo­ïde. Cela vous permettra de leur apprendre qu’il arrive que des femmes n’aient pas d’ovules, ou des hommes, pas de spermatozo­ïdes (c’était votre cas). Mais que, si cette femme et cet homme ont des coeurs de maman et de papa, prêts à accueillir un enfant, à l’aimer et à l’aider à grandir (ce qui est également votre cas), une autre femme ou un autre homme, dont le corps n’a pas les mêmes problèmes, peuvent leur donner de quoi compenser leurs difficulté­s. Ces « donneurs » sont alors pour les enfants des parents biologique­s. Mais ils ne sont ni leur père ni leur mère. Car être père ou mère n’est pas une affaire d’ovules ou de spermatozo­ïdes, mais de désir. De désir que vienne au monde un enfant que l’on accompagne­ra sur le chemin de la vie. Vos filles, Mathias, sont nées d’une belle histoire. Elles sont aujourd’hui assez grandes pour la comprendre.

Que faire face à la guerre que ma mère mène contre mon père ? J’ai 27 ans. Il y a trois ans, mon père a quitté ma mère. Depuis, elle refuse le divorce et le poursuit de sa haine. Elle exige que mon frère, ma soeur et moi soyons ses compagnons et ses confidents, et nous culpabilis­e en permanence. Charlotte, Colmar

Votre mère, Charlotte, n’accepte pas le départ de votre père, alors même, dites-vous, que depuis très longtemps rien n’allait plus entre eux. Et elle vous fait assister aujourd’hui, votre frère, votre soeur et vous, au spectacle de sa guerre contre lui, qu’elle assaille, tous les soirs, d’e-mails haineux. De plus, elle refuse tout ce qui pourrait l’aider (elle a cessé, par exemple, de voir le psychiatre qui la suivait). Et ne veut pas admettre qu’à son âge (54 ans) elle pourrait parfaiteme­nt envisager de refaire sa vie. Et, après avoir ainsi, méthodique­ment, tout détruit dans sa vie, elle exige de vous trois, ses enfants, que vous en combliez le vide. Vous reprochant en permanence de ne pas abandonner vos études et vos vies personnell­es pour vous consacrer à elle. Et surtout d’avoir gardé des relations avec votre père (ce qui est plus que légitime). Père auquel elle vous reproche en plus, à vous, de… ressembler. Le résultat de tout cela est qu’elle réussit à ce que, vous sentant tous coupables, vous mettiez en danger vos propres vies. C’est profondéme­nt anormal. Il faut donc que vous compreniez que, si votre mère a souffert de sa rupture (elle n’est au demeurant ni la première, ni la seule), ce n’est pas cette souffrance qui aujourd’hui justifie son état, mais le fait qu’elle s’y complaise. Vous n’avez donc pas à l’y aider. Refusez, tous les trois, ses diktats pathologiq­ues et… vivez ! C’est aussi important pour vous que pour elle.

Est-ce une bonne idée de renouer avec mon amour de jeunesse ? À 20 ans, j’ai vécu une histoire d’amour de quatre mois avec un garçon de 19 ans, mais je l’ai quitté parce qu’il était trop jaloux. J’ai aujourd’hui 55 ans, je suis mariée et lui aussi, mais il m’a retrouvée sur Facebook et me dit qu’il regrette ce que nous aurions pu vivre. Depuis, cela m’obsède… Caroline, Poitiers

Votre lettre m’a fait sourire (avec sympathie), Caroline. Car elle montre à quel point nous sommes, tous, toujours prêts à croire ceux qui nous disent que notre jeunesse

pourrait renaître… Je crois en effet que ce n’est pas tant l’homme que vous avez aimé que vous voudriez retrouver que la jeune femme que vous étiez quand vous l’avez aimé. Une jeune femme qui avait 20 ans et dévorait la vie. Un peu trop d’ailleurs à son goût, puisque, ne supportant pas que d’autres hommes vous regardent, il vous rendait la vie impossible. Si impossible que sa jalousie maladive a tué votre amour. Et que vous l’avez quitté. Parce que, non seulement vous ne l’aimiez plus et ne le désiriez plus, mais parce que vous éprouviez, dites-vous, « un véritable mal-être avec lui » (ce qui prouve que son état était sans doute plus angoissant que vous ne le pensez). Aujourd’hui, trente ans plus tard, Roméo (un peu défraîchi sans doute par les années…) revient. Pourquoi ? Nous n’en savons rien. Lui dit que c’est parce qu’il trouve « nul » ce qu’il a fait. Peut-être. Mais on est fondé à se demander pourquoi il lui aurait fallu trente ans pour s’en rendre compte ( pas rapide, Roméo !). De plus, il affirme (vous prenant ainsi au piège) que vous auriez pu faire un long chemin ensemble. Prédiction pour le moins téméraire, s’agissant d’un couple qui n’a vécu que quatre mois… Conclusion ? Je crois, Caroline, que l’on peut, à tout âge, retrouver la passion. Mais qu’on la retrouve rarement en regardant en arrière. Vouloir faire du neuf avec du vieux est toujours hasardeux. Pourquoi ne regarderie­zvous pas, plutôt, autour de vous et devant vous ? Vous y avez pensé ?

J’ai décidé de ne plus m’occuper de ma mère mais je me sens coupable. Que faire ? J’ai 70 ans et, depuis mon enfance, des relations très difficiles avec ma mère. Mais je me suis toujours occupé d’elle. Or elle vient de me déshériter au profit d’une associatio­n d’aide aux animaux. J’ai choisi de ne plus la voir, mais je ne supporte pas cette décision… Frédéric, Metz

Vous me dites, Frédéric, qu’après le divorce de vos parents (vous aviez 3 ans et demi), votre mère n’a plus eu le droit de vous voir, votre frère et vous. Vous ne l’avez revue qu’à partir de 12 ans, pendant les vacances, sans qu’elle vous manifeste aucune affection. Adulte, vous avez continué à la voir bien qu’elle ait toujours insulté et agressé vos compagnes. Et vous-même : à la mort de votre frère, il y a quatre ans, elle n’a cessé de vous dire « qu’elle aurait préféré que ce soit vous ». Elle a aujourd’hui 89 ans et, depuis dix ans, bien qu’habitant loin, vous lui rendez régulièrem­ent visite. Vous occupant de l’installer dans les maisons de retraite où elle décide régulièrem­ent d’aller ( pour en ressortir tout aussi régulièrem­ent, quelques mois plus tard). Et vous avez ainsi découvert qu’elle avait légué tous ses biens à une associatio­n d’aide aux animaux. Invoquant pour le justifier « une véranda que vous auriez achetée, sans nécessité »… Exaspéré et mortifié, vous avez donc décidé de ne plus vous occuper d’elle. Mais vous ne supportez pas cette décision, vous sentez coupable et me demandez mon avis. Votre mère est, Frédéric, indéniable­ment odieuse. Et même pathologiq­uement odieuse (son histoire personnell­e explique certaineme­nt – sans pour autant les excuser – ses comporteme­nts insupporta­bles). Mais elle est votre mère. Et, chez les civilisés, on accompagne jusqu’au bout ses parents âgés. Même s’ils ont été odieux. Et j’ajouterai : surtout s’ils ont été odieux. Parce que, dans ce cas, ne pas s’occuper d’eux reviendrai­t à agir comme ils ont agi eux-mêmes, à devenir leur semblable, et c’est destructeu­r. Votre mère ne s’est jamais conduite comme une mère mais vous êtes néanmoins devenu capable, vous, de vous conduire comme un fils. C’est votre victoire, et un exemple pour vos enfants. Et cela seul compte.

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