Psychologies (France)

La Suède a un musée de l’Échec !

- DAVID FOENKINOS

ÀÀ l’instar du musée des Séparation­s à Zagreb, où l’on ne voit que des histoires de désintégra­tion amoureuse, le musée de l’Échec vient d’ouvrir à Helsingbor­g, en Suède. Bienvenue au spectacle du naufrage des autres ! Tout d’abord, on se rend compte que même les compagnies glorieuses ont connu des ratages. Qui se souvient du Coca- Cola au café, qui a fait un flop total ? Ou que la marque de dentifrice Colgate s’était lancée dans les lasagnes surgelées ? Il faudrait mettre un cadre à l’entrée du musée avec la tête de celui qui a eu cette idée brillante. On erre entre les projets avortés et les mauvaises inspiratio­ns. Autant le dire tout de suite, c’est l’endroit idéal pour se remonter le moral ! C’est une vraie question, non ? Est-ce que l’échec des autres nous fait du bien ? Est- ce qu’il valorise nos réussites ? En tout cas, si on traverse une période difficile, on se sent moins seul. On partage nos tâtonnemen­ts et cela aboutit à une entraide. À vrai dire, ce qui fait du bien, c’est de se rendre

compte qu’on peut tirer une leçon positive de nos échecs. Et bien plus encore : l’échec n’empêche pas la réussite. Il faut même rater sûrement… pour réussir ensuite. Charles Pépin, mon collègue chroniqueu­r à Psychologi­es, a écrit un merveilleu­x livre justement sur les vertus de l’échec. Alors ce musée, c’est une façon de valoriser les moments de notre vie où l’on trébuche : ils ont leur importance dans notre progressio­n. Et c’est nécessaire d’être face à ses échecs, de ne pas les ignorer. Il y a une phrase sublime de Winston Churchill : « Le succès, c’est d’aller d’échec en échec sans perdre son enthousias­me. » Tout est là ! L’ambition que nous devons avoir, c’est de conserver notre volonté d’avancer, coûte que coûte, malgré les erreurs et les ratages. La vie est un brouillon perpétuel ; c’est certain qu’on la réussirait bien mieux si on la vivait à l’envers ! Mais ce n’est pas le cas. Alors les échecs nous forment et nous instruisen­t, et je plains parfois ceux qui réussissen­t trop vite. Il y a une saveur à atteindre ses rêves quand on a été découragé, quand on a traversé des phases d’abattement. En ce qui me concerne, j’ai connu à mes débuts des échecs fracassant­s et les moments douloureux de l’écri

vain sans succès. La preuve en une anecdote : il y a dix ans, j’ai fait une rencontre littéraire dans une Fnac, et il n’y avait qu’une seule personne présente dans la salle ! Oui, une seule ! C’était une femme, qui m’a dit : « J’ai oublié mes clés, du coup je ne peux pas rentrer chez moi, et j’erre dans le magasin en attendant que mon mari rentre à la maison. » Ce souvenir, je peux le mettre en bonne place au musée de mes échecs. C’était violent de n’avoir personne à sa rencontre avec le public, mais je ne l’ai pas mal pris. J’ai même trouvé cela risible. Comme dit Churchill, j’ai gardé mon enthousias­me ! Et je peux même dire qu’il y a dans l’échec un avant-goût des réussites à venir.

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