La mission d’aimer
NNotre mandat céleste
Il y a une dizaine d’années, alors que je conversais sur le sens de la vie avec soeur Emmanuelle, presque centenaire, celle-ci m’a répondu sans hésiter : nous sommes sur terre pour apprendre à aimer. C’est notre mandat céleste. J’écrivais alors sur l’expérience de l’âge. Je venais de publier deux livres sur cette question1, toujours guidée par cette interrogation sur ce que nous avons à mûrir, à développer en nous, dans ce que nous appelons « la deuxième partie de la vie ». Avec l’aplomb qu’on lui connaît, elle m’a affirmé alors que la mission des personnes âgées n’était pas de se plaindre et d’empoisonner leur entourage, mais « d’aimer et d’être aimées », car même amoindrie au niveau de son corps, même dépendante, une personne peut garder le coeur ouvert, aimer, tendre la main, bénir, et cela transfigure la vie.
L’évolution de l’amour
Dans mon ermitage du Gard, face à une mer de verdure, et pas d’autre bruit que le chant des cigales, je prépare ces jours-ci la conférence plénière que je vais donner au Congrès mondial de psychothérapie2 à l’Unesco. On m’a demandé justement de traiter de l’évolution de l’amour, de la manière d’aimer avec l’âge. Y a-t-il une maturité de l’amour ? Je relis ainsi des livres que j’ai découverts il y a quarante ans. L’âge de nombre de nos lectrices. C’était l’époque peace and love. Il faut donc que les quadras se souviennent qu’ils sont nés sous cette étoile-là. L’un de ces ouvrages commente le mythe d’Éros et Psyché, et nous rappelle que notre inconscient est gouverné par ce grand mythe fondateur qui nous fait comprendre qu’aimer, ce n’est pas la même chose qu’être amoureux. C’est plus exigeant.
Femmes chamanes
Dans quelques jours, je vais accueillir dans ce lieu qui est, me dit-on, un « lieu chamanique3 », un petit groupe de femmes entrées dans le troisième âge (entre 60 et 75 ans). Nous avons choisi ce petit cirque de verdure, où les Celtes avaient planté leurs pierres levées, signe qu’ils avaient perçu sa qualité énergétique, pour parler du sens de notre vie, de l’objectif spirituel de celle-ci. De notre nature féminine, de notre connivence avec la nature. Nous allons partager des rituels d’inspiration chamanique. Car nous savons que l’âge de la maturité est aussi celui où nous pouvons découvrir, ou approfondir, notre capacité à écouter les autres, à entrer en communion avec la nature, à faire confiance à notre intuition profonde qui n’attend qu’une chose : se manifester à notre conscience. Aimer, c’est lâcher prise, accueillir ce qui est, l’autre tel qu’il est, la vie telle qu’elle se manifeste à nous. C’est aussi savoir remercier, rendre grâce. Rester ouvert, curieux. Peut-être, au fond, le sens de la vie est-il d’arriver à concilier notre nature amoureuse avec l’amour, qui exige un dépassement de soi. 1. La chaleur du coeur empêche nos corps de rouiller ( Pocket) et Une vie pour se mettre au monde (avec Bertrand Vergely, Le Livre de poche). 2. Organisé par la FF2P, avec le soutien de Psychologies, il a eu lieu à Paris du 24 au 28 juillet. 3. Je parle de ce lieu dans Croire aux forces de l’esprit (Fayard-Versilio).