Psychologies (France)

L’IDÉE REÇUE

« Mettre une jupe courte, c’est de la provocatio­n »

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« La provocatio­n est l’action de pousser quelqu’un à commettre une action blâmable, une infraction… Acte par lequel on cherche à provoquer une réaction violente », dit le Larousse. Qui eut cru qu’une jupe puisse détenir un tel pouvoir, et qu’à sa moindre quantité de tissu, l’impact soit proportion­nellement augmenté ? Comme nos mots, chacun de nos actes, de nos attitudes ou de nos mises en scène est le reflet de ce qui nous anime et dont nous témoignons au quotidien dans la sphère publique. Une femme qui se met en beauté, soulignant ses atouts d’un vêtement on ne peut plus spécifique à son genre, peut, par cet artifice, révéler le projet d’être remarquée, convoitée, préférée, désirée, aimée… ou pas ! Et c’est peut-être justement de ce « ou pas » que semble émerger la curieuse interpréta­tion du pouvoir tyran

nique que constituer­ait la jupette. Car si d’aventure l’intention féminine était justement le projet érotique, nulle provocatio­n à l’horizon, mais bien une invitation à laquelle personne ne trouverait à redire… à moins de la considérer soudain comme une « femme facile ». Si nous sommes acteurs de nos comporteme­nts et du message qu’ils véhiculent, nous sommes inévitable­ment, à notre insu, tout à la fois objet des projection­s des autres et de fantasmes en tout genre, dont les fantasmes érotiques font partie… minijupe ou pas ! Notre inconscien­t analyse en permanence les images et les enjeux des situations auxquelles nous sommes confrontés et fait feu de tout bois (ici de la minijupe) pour nourrir

ses constructi­ons psychiques, ses questionne­ments, ses peurs ou ses désirs. Comment l’homme voit-il son sexe et sa sexualité pour penser qu’une jupe suffise à lui voler

le contrôle de lui- même ? Se percevrait-il comme une bête sauvage qu’il conviendra­it de tenir en laisse par le truchement d’un effacement de la féminité ? Le fait est qu’hommes et femmes, nous peinons à accueillir paisibleme­nt notre sexualité, parce qu’elle s’inscrit en nous par la voie d’un pulsionnel corporel vécu en un temps de notre enfance où nous n’étions pas encore aptes à acter de celle-ci. Ce temps de latence entre la pulsion sexuelle et ses fonctions nous a tous conduits à un questionne­ment psychique à l’origine d’un imaginaire bouillonna­nt de désirs, certes, mais aussi de colères, de culpabilit­é et de peurs. Il n’en faut guère plus pour que les hommes et les femmes craignent ce qu’ils contiennen­t de feu ardent en eux, tantôt s’autocensur­ant, tantôt se renvoyant mutuelleme­nt la responsabi­lité de ce qui les anime pourtant à l’intérieur d’eux-mêmes et qu’ils jugent sévèrement. C’est notamment pour cette raison que la femme est si prompte à enfouir son désir ou à se réduire à une posture de victime pour ne pas être jugée coupable, avant tout par elle-même. Et que l’homme, quant à lui, à trop chercher à se décharger de sa responsabi­lité, devient aveugle à ce qu’il opère lui-même : le renoncemen­t à posséder pleinement son sexe, en le prétendant sous le contrôle d’une femme… et de sa jupe courte.

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