DEMAIN
Mais pourquoi fantasmer sur Mars ?
Voir l’humanité conquérir Mars ? J’en rêve. Et je ne suis ni la seule ni la première. Le ciel est sans doute le premier écran sur lequel l’individu a projeté ses fantasmes. Platon y a vu un monde idéal, Aristote, un monde de perfection. Giordano Bruno y a deviné l’existence d’une multiplicité de planètes, au prix de sa vie (finie sur le bûcher en 1600). Mallarmé avait « compris la corrélation intime de la poésie avec l’univers ». Ray Bradbury nous a emportés avec ses Chroniques martiennes… Tout cela, bien avant que le cinéma ne prenne les rênes fictives de l’exploration spatiale, de 2001, l’odyssée
de l’espace au magnifique Interstellar, en passant par Star Wars ou Gravity. Je n’oublierai pas non plus Barbapapa
sur Mars, le préféré de nos enfants. Quand on est prêt à croire à des bonshommes roses qui se transforment en « barbaformes », on n’a pas de mal à s’imaginer embarquer bientôt à bord d’une fusée, direction la planète rouge. Mes enfants ont peu de doutes quant à leur futur interstellaire, et c’est probablement aussi ce qui m’encourage à ne pas y renoncer non plus. Car pourquoi laisser Mars à la science-fiction ou aux spécialistes ? N’est- ce pas l’aveu d’un mépris que de lui refuser une place dans nos préoccupations quotidiennes ? Hors des sphères de geeks et autres amateurs de fantastique, je constate que la conquête de Mars ne passionne guère, et mon enthousiasme se voit vite opposer plusieurs réactions.
Une illusion de plus ?
La première est le scepticisme. Certes, le patron de SpaceX – entreprise spécialisée dans le vol spatial –, Elon Musk, le plus en avance sur ce projet de colonisation martienne, est génial : le 6 février, il a envoyé un cabriolet Tesla en orbite via la fusée Falcon Heavy1 dans l’espoir de toucher Mars en juin 2018. Certes, la conquête de cette planète est officiellement devenue le premier objectif de la Nasa ( lire encadré p. 60). Mais n’estce pas qu’une illusion de plus ? En leur temps, Spoutnik, Youri Gagarine et Neil Armstrong ont eux aussi donné aux Terriens le sentiment que l’univers était enfin à eux et que 2001 serait bel et bien l’odyssée de l’espace. Avant de constater que ces exploits, restés sans suite, n’avaient été qu’un enjeu de plus dans la guerre froide. Depuis, point de cratère lunaire ou martien au bord duquel passer un week-end exotique…