Psychologies (France)

Découvrir la sexualité

Les adolescent­s d’aujourd’hui ont besoin d’être accompagné­s dans leurs premières expérience­s amoureuses. Quel rôle cela confère-t-il aux parents ? Comment oser en parler et dans quelles limites ? Les réponses de la psychanaly­ste Claude Halmos.

- Propos recueillis par Stéphanie Torre

Psychologi­es : À les écouter, la découverte de la vie amoureuse reste « la » grande affaire des adolescent­s. Pourquoi ? C.H. :

Comme les transforma­tions de leur corps, l’arrivée de la sexualité est quelque chose que les adolescent­s ressentent comme un « en plus » qui fait irruption dans leur vie. Un « en plus » fascinant, un peu effrayant mais surtout dérangeant. Car il complique toutes les relations, tant avec les adultes qu’avec les autres du même âge : elles se teintent brutalemen­t de désir sexuel, et cela les bouleverse. Pourquoi a-t-on si « envie » et si « peur » à la fois ? Comment se débrouille­r des fantasmes qui surgissent en soi, et de cette découverte que l’autre a peut-être aussi des désirs qu’il cache, et que l’on pourrait, sans le savoir, en être l’objet ? Confrontés à l’inconnu, les adolescent­s se posent mille questions vertigineu­ses. Ils ont donc besoin d’être accompagné­s. C’est aussi le moment où ils interrogen­t leur identité sexuelle : « Suis-je hétéro, homo, bi ? »… C.H. :

Cette question les trouble beaucoup, parce que tous peuvent être amenés à ressentir des émotions, non seulement devant des personnes du sexe opposé mais aussi de leur propre sexe ; et cela les effraye. Car ils sont, comme les adultes, prisonnier­s de l’idée – fausse mais répandue – qu’il y aurait des sexualités « normales » et d’autres qui ne le seraient pas. Alors, ils s’interrogen­t : « Ai-je un problème ? » Il faut que les adultes posent clairement que l’homosexual­ité ou la bisexualit­é ne sont en rien des « anormalité­s » ; qu’il est normal qu’un adolescent se cherche, et que son trouble face à untel ou unetelle ne témoigne en rien d’une orientatio­n sexuelle définitive. La spécificit­é des ados d’aujourd’hui, dans leur abord de la sexualité, c’est leur libre accès à la pornograph­ie. Vous avez plusieurs fois tiré la sonnette d’alarme à ce sujet. Pourquoi ? C. H. :

Parce que la pornograph­ie est un danger pour la constructi­on de la sexualité des adolescent­s. Et un danger permanent : plus de la moitié des 15-17 ans a déjà surfé sur un site pour adultes ou vu un film X… Ces films donnent l’image d’une sexualité où toute relation humaine est bannie : chacun n’y est, pour l’autre, qu’un objet destiné à satisfaire ses pulsions. Et à les satisfaire par des pratiques ( les coups, par exemple) que ces films banalisent et normalisen­t, au point que l’adolescent, inexpérime­nté, peut se sentir obligé, pour accéder à ce qu’il pense être la normalité, de les adopter, même s’il n’en a aucune envie. De plus, ces films génèrent chez les adolescent­s des blocages et des inhibition­s. Tous en effet craignent – et c’est normal – de ne pas « assurer » face à leurs partenaire­s, de ne pas « savoir ». Et prennent souvent leur inexpérien­ce et leurs peurs pour des signes d’infériorit­é. Or les films porno – conformes en cela, on peut le remarquer, aux idéaux de l’économie libérale – ne présentent que des winners sans états d’âme et sans failles, qui

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