SANTÉ
Du théâtre pour annoncer la maladie
C’est
une sorte de rite initiatique auquel s ’a d o n n e n t chaque année les quelque cent soixante étudiants en quatrième année de la faculté de médecine de Montpellier. Lors d’un après- midi, ils quittent les bancs de l’école et les couloirs de l’hôpital – où ils sont externes –, direction l’École nationale supérieure d’art dramatique de Montpellier. « Vous êtes formés à la relation au corps, mais pas suffisamment à la relation humaine. Nous allons vous apporter ce supplément d’âme qui manque à la médecine », annonce le metteur en scène Serge Ouaknine aux étudiants. « Le plus difficile au cours de votre carrière, ce sera la relation avec les malades et leur famille », poursuit Marc Ychou, professeur de cancérologie et directeur général de l’Institut du cancer de Montpellier (ICM). Il y a quatre ans, les deux hommes1 ont imaginé un atelier théâtral pour former les futurs médecins à un exercice que beaucoup appréhendent : les annonces difficiles. Pour les mettre en situation, trois acteurs professionnels jouent le rôle des patients et de leurs proches.
“NOUS ALLONS VOUS APPORTER CE SUPPLÉMENT D’ÂME QUI MANQUE À LA MÉDECINE” SERGE OUAKNINE, METTEUR EN SCÈNE
Une salle de consultation équipée d’un bureau, de trois chaises et d’un lit : la mise en scène se veut sobre. « Nous avons reçu les résultats de vos derniers examens. Le cancer a récidivé… Il va falloir qu’on adopte une nouvelle stratégie avec lui, avec vous… ». Hugo, 34 ans, est le premier à se lancer sous le regard de ses camarades. Face à lui, Lison, 26 ans, interprète le rôle d’une femme de 35 ans touchée par une tumeur cérébrale. La comédienne a été spécifiquement formée à l’exercice. « J’avais peur de ne pas parvenir à jouer mon rôle sincèrement, témoigne Hugo. Mais l’actrice était si impliquée que, en à peine une seconde, j’ai oublié que c’était “pour de faux”. » Comment annoncer à des parents que leur enfant est touché par un cancer ? Ou à une femme âgée et isolée l’entrée en soins palliatifs de son mari ? Comment sortir du « jargon médical » et trouver les mots justes ? Quand et comment nommer la maladie ?
Tour à tour, les étudiants prennent place au bureau. Les sursauts de violence, le mutisme, le déni, le désarroi, la détresse… Les acteurs passent par toute la palette des émotions. « Est-ce que je vais mourir, docteur ? » Certains étudiants, pris au dépourvu, paniquent.