Vers une nouvelle psychologie des foules ?
10 morts, 1 843 blessés « civils », 1 048 pour les forces de l’ordre, 36 enquêtes ouvertes pour des faits présumés de violences policières… Fin 2018, le bilan du mouvement des « gilets jaunes » était atterrant. Comment l’expliquer ? En 2016, des chercheurs en sociologie plaidaient déjà pour une modernisation de la gestion des mouvements protestataires par la police1. Ils s’appuyaient sur les travaux de Stephen Reicher, professeur de psychologie sociale qui remet en cause les théories classiques sur la psychologie des foules. Reicher s’attaque notamment au concept de « désindividuation », selon lequel, dans un groupe, l’individu perd le contrôle de lui-même pour céder à l’appel de la violence. Faux ! assure Reicher. D’après lui, les manifestations révèlent la place que les individus jugent occuper dans la société. Ils ne se révoltent que quand ils ne voient pas d’autre solution pour redresser leur situation. De là est né un projet européen2 destiné à faciliter « des comportements pacifiques de la foule et la communication avec les manifestants ». En Espagne, par exemple, une unité de policiers formés en sociologie et en psychologie a été créée en 2011 pour dialoguer avec les manifestants. En trois ans, le nombre d’incidents lors des manifestations a diminué de 70 %. Il serait peut-être judicieux de s’en inspirer. H.F. 1. « Vers un modèle européen de gestion policière des foules protestataires ? » d’Olivier Fillieule, Pascal Viot et Gilles Descloux, dans Revue française de science politique, juillet 2016. 2. Projet Godiac mené entre 2010 et 2013 dans douze pays.