Les aliments bouillottes
Pot-au-feu ? Poule au pot ? Pas seulement. Du poivre au champignon, en passant par la cannelle ou l’anchois, de nombreux ingrédients peuvent nous réchauffer et faire monter en nous le “souffle du dragon”.
Lorsque les températures chutent et que la lumière ba i s s e , c ’ e s t physiologique, nous ressentons l’envie de nous réchauffer. Pour cela, nous disposons de différents moyens : nous emmitoufler dans des couches de vêtements, monter le chauffage et manger des aliments qui nous tiennent chaud. Un chocolat fumant et des tartines de miel pour les uns, une bonne tartiflette pour d’autres. Ces plats sont certes réconfortants, mais trop gras, trop sucrés, trop salés, ils ne peuvent pas constituer notre régime quotidien.
Bonne nouvelle : il existe des aliments qui font monter la sensation de chaleur, sans accentuer la fatigue ou les kilos. Ils agissent sur l’organisme comme le « souffle du dragon », disent les médecines chinoise et ayurvédique. Elles les classent en quatre catégories : les froids, les frais, les tièdes, les chauds – classification
sans rapport avec la température à laquelle ils sont consommés. Les froids et les frais nourrissent le yin insuffisant, et chassent la chaleur et le feu ; les chauds et les tièdes nourrissent le yang insuffisant et chassent le froid. Il s’agit donc de bien les choisir. Beaucoup d’épices (clous de girofle, cannelle, poivre, cumin, gingembre), mais aussi des aliments soufrés (échalote, oignon, ail, ciboule, moutarde), des aromates (thym, laurier, romarin), des oléagineux (noix, pignons, amandes), des légumineuses ( pois chiche, lentilles, haricots secs), des légumes ( panais, potiron, carotte), des tubercules ( pomme de terre, igname), des céréales (riz, sarrasin, avoine), les champignons. Ou encore des poissons (anchois, thon, carpe, anguille), des crustacés (crevettes et moules) et des viandes ( poulet, foie, mouton, faisan). Bien que la finalité soit la même – avoir moins froid –, leur mode d’action est différent.
Des enzymes qui tiennent chaud
Certains aliments agissent sur la thermogenèse, le mécanisme de production et de régulation de chaleur de l’organisme, qui favorise naturellement la production des enzymes digestives métabolisant les nutriments, et éliminant déchets et toxines. Autant dire qu’elles sont indispensables, et en produire suffisamment contribue à renforcer notre organisme : du sommeil à la digestion en passant par le poids et l’énergie, nous nous portons mieux.
Les plats à base de fibres, glucides complexes, acides gras (tous les légumes, les légumineuses, les céréales, les algues, les poissons gras), épices ( gingembre, cannelle), cacao… sont thermogènes. « De plus, ils ont une très bonne valeur énergétique », souligne Sylvie Schäfer, docteure en pharmacie et naturopathe, et offrent une sensation de chaleur pour peu de calories. Ils améliorent aussi la digestibilité des protéines et nous évitent les crises d’hypoglycémie – nos envies subites de sucré –, très fréquentes l’hiver. La naturopathe affirme aussi que ces aliments « réchauffants » ont un impact important sur notre moral et pourraient nous éviter les dépressions saisonnières.
« Les médecines chinoise et ayurvédique disent des épices et aromates qu’ils allument le feu digestif, la médecine occidentale, qu’ils provoquent des sécrétions enzymatiques », précise Sylvie Schäfer. Ces nutriments entraînent en effet une cascade de réactions chimiques
dans l’organisme. Ainsi la sécrétion d’enzymes digestives se ressent-elle dès que l’aliment est en bouche – il déclenche une importante production de salive. Ces enzymes facilitent entre autres la digestion des protéines, qui, elles, assurent une régulation de la glycémie. « Ce n’est pas un hasard si autrefois nous mangions du gibier faisandé en ces périodes hivernales, remarque Sylvie Schäfer. On laissait d’abord cette viande très protéique et peu grasse se décomposer pour libérer les enzymes, puis on la mettait à macérer dans du vin et des épices, afin d’améliorer encore sa digestibilité, avant de la cuisiner avec différents aromates. »
Une thyroïde mieux régulée
D’autres aliments agissent en stimulant notre système endocrinien, donc la sécrétion de toutes nos hormones. Pour mieux s’adapter au froid, il est par exemple important de soutenir la thyroïde en mangeant des flocons d’avoine, du gingembre, des fruits de mer, des algues comme la laminaire, du fucus… « La thyroïde, chaudière de l’organisme, influe sur la température du corps, observe Jean- Christophe Charrié1, médecin et phytothérapeute, mais elle n’arrive pas toujours à s’adapter aux changements climatiques ni à régler la température au bon moment. Cela explique les bouffées de chaleur ou la frilosité excessive. »
Le médecin conseille de soutenir aussi les glandes surrénales, ou glandes adaptatives, en consommant des herbes (sarriette, thym, romarin, cannelle), végétaux et fruits riches en vitamine C (choux, persil, agrumes, fruits de saison). Ils augmentent notre capacité à nous adapter aux variations de température typiques en hiver, lorsque nous passons du chaud au froid en quelques minutes.
Le secret : une cuisson toute douce
Potiron, chou, poireau, racines, pommes, tubercules et oléagineux concentrent l’énergie de la saison. Notre assiette sera d’autant plus « chaleureuse » que les aliments qui la composent sont de saison et locaux. Le mode de préparation influence bien évidemment la capacité des aliments à nous réchauffer. « Le micro-ondes a tendance à déstructurer l’aliment en altérant l’eau qu’il contient. Celui- ci ne sera plus assimilé de la même manière », souligne la naturopathe. Mieux vaut privilégier les cuissons longues à feu doux (à moins de 100 °C), les mets mijotés dans une cocotte en fonte, un « vitaliseur » ou un autocuiseur. Ces modes de cuisson conservent leurs propriétés, ainsi que leur nature tiède ou chaude.
Tous les plats mijotés traditionnels et de saison, tels que le pot-au-feu, le petit salé, le cassoulet, la poule au pot, la potée, sont de véritables bouillottes pour le corps, tout en étant très digestes, car ils cuisent longtemps et lentement, accompagnés d’herbes et d’épices. Ces dernières améliorent également la digestion des légumes et légumineuses en éliminant les germes qui donnent des gaz.
Les épices, notamment le poivre, ont également un effet vasodilatateur : les vaisseaux se dilatent et permettent au sang d’affluer plus abondamment dans l’estomac et dans les intestins. Mieux irriguées, les cellules vont sécréter davantage d’enzymes et mieux nous réchauffer. Comme un cercle vertueux. 1. Jean- Christophe Charrié, auteur d’Objectif santé : à chaque besoin sa cure ( Prat).