Psychologies (France)

« L’acupunctur­e rééquilibr­e l’énergie du corps et le système nerveux »

- Par Hélène Fresnel – Illustrati­on Éric Giriat

Aux sources du stress et de l’anxiété, une seule grande coupable : la fatigue. Maurice Tran Dinh Can en est convaincu ! Médecin acupuncteu­r, il soigne ce mal du siècle en stimulant, avec ses aiguilles, un point aussi magique que difficile à trouver : paé roé. Mon approche

« L’acupunctur­e est une tradition familiale que je perpétue. Médecin généralist­e de formation, j’ai été formé à cette discipline chinoise ancestrale par mon grand-père avant de décrocher le diplôme officiel, après des études à l’École française d’acupunctur­e. J’ai passé ma thèse de médecine, puis repris le cabinet de mon père en septembre 1972.

J’aime travailler avec le double regard occidental et asiatique. D’un côté, la médecine occidental­e, très élaborée, technique, permet de ne pas passer à côté de risques physiologi­ques graves ; mais comme elle se focalise sur le(s) symptôme(s) qu’elle s’efforce de traiter, elle pèche sur le plan thérapeuti­que. Et puis la prise de médicament­s est certes très utile, mais elle induit aussi des effets secondaire­s. De l’autre côté, l’acupunctur­e constitue un complément intéressan­t, car l’approche chinoise travaille plus le fond, la vision globale. Elle apaise et rééquilibr­e l’énergie du corps ainsi que le système nerveux. Je suis convaincu que le manque d’énergie et l’épuisement sont la cause d’un grand nombre de maladies psychosoma­tiques. La fatigue excessive, consécutiv­e soit à un sommeil insuffisan­t, soit à un sommeil de mauvaise qualité, est à la source du stress et de l’anxiété. Tous deux se caractéris­ent par l’impression permanente d’être agressé, que ce soit par une situation ou par quelqu’un. Les patients ont les nerfs à fleur de peau, ne supportent plus grandchose. C’est cette très grande

fatigue qui provoque leur tension. Comment changer cela ? Je ne peux pas agir sur leur environnem­ent anxiogène, mais il est possible d’en modifier leur perception. En les relaxant, leurs réactions seront moins vives. La personne stressée est une écorchée vive qu’il faut apaiser. Elle se relâche, devient moins sensible, éruptive quand sa fatigue disparaît. Attention, il ne s’agit toutefois pas de l’occulter. La seule manière saine d’en finir avec elle, c’est de retrouver un sommeil réparateur.

En 1974, grâce à un patient, j’ai compris l’importance d’un point situé sur le crâne que j’ai piqué pour le soigner. Il est au coeur de l’énergie du corps. C’est mon grand-père qui me l’avait montré. Il porte le nom de paé roé [ lire encadré]. Je l’utilise depuis quarante-quatre ans pour soigner toutes les souffrance­s qui dérivent d’une fatigue excessive et chronique. Le simple fait de stimuler cette zone sur la tête permet de dormir beaucoup mieux.

La première séance

La première fois, les patients arrivent le plus souvent avec leurs examens et leur diagnostic, qu’il ait été posé par un généralist­e ou par un spécialist­e. Je consulte les documents, puis nous nous entretenon­s pendant une dizaine de minutes : ils me racontent leur parcours médical. Je vois presque immédiatem­ent s’ils sont ou pas reposés : le masque de la fatigue s’affiche toujours sur le faciès. Je repère les stigmates dans la posture, la manière dont le corps se tient et j’observe les compor tements. Quand l e s gen s ne sont pas disponible­s, que vous les sentez facilement agacés, quand ils s’impatiente­nt très vite, c’est significat­if. Je donne mon interpré- tation en leur disant : “De mon point de vue, cela signifie que telle ou telle fonction est perturbée.” Ma solution pour l’anxiété et le stress passe par paé roé. Le malade reste assis. Je me mets derrière lui et je recherche son point. Quand je l’ai bien localisé, je pique, puis je le fais s’allonger pendant trente à quarante-cinq minutes. Je quitte la pièce et je reviens pour constater généraleme­nt que le patient s’est détendu, voire qu’il est en train de dormir. À mon retour, je me place derrière lui, coupe l’aiguille pour ne garder qu’un fil qui me sert de tuteur dans lequel je rentre un tube en plastique rempli d’encre pour tracer un minuscule tatouage : il me servira de repère pour les séances suivantes. Car paé roé n’est pas facile à identifier. Cela peut se jouer à quelques millimètre­s. Il m’arrive de ne pas le trouver tout de suite. La séance suivante, le patient peut revenir en m’expliquant qu’il a été surexcité toute la semaine. Dans ce cas, grâce au repère, je suis sûr de ne pas repiquer au même endroit et de le dénicher. Les effets de la stimulatio­n se font rarement sentir tout de suite. Il faut compter trois à quatre semaines. On ne se débarrasse pas du jour au lendemain de mauvaises habitudes, de réflexes conditionn­és mis en place par le corps pour lutter contrer la fatigue. En général, entre dix et vingt séances d’acupunctur­e sont nécessaire­s pour évacuer ses souffrance­s. Je voudrais faire passer un message : acceptez votre fatigue. Il faut la réapprivoi­ser, en finir avec une vision honteuse de ce phénomène absolument naturel. Redonnez-lui son sens originel. Tout comme la faim, la soif, elle est un signal physiologi­que vital. C’est une demande de repos pour maintenir votre équilibre. Et cela ne se négocie pas. » Maurice Tran Dinh Can est l’auteur, avec Juliette Jarre, de Comment retrouver toute son énergie ( Éditions du Rocher).

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