« L’acupuncture rééquilibre l’énergie du corps et le système nerveux »
Aux sources du stress et de l’anxiété, une seule grande coupable : la fatigue. Maurice Tran Dinh Can en est convaincu ! Médecin acupuncteur, il soigne ce mal du siècle en stimulant, avec ses aiguilles, un point aussi magique que difficile à trouver : paé roé. Mon approche
« L’acupuncture est une tradition familiale que je perpétue. Médecin généraliste de formation, j’ai été formé à cette discipline chinoise ancestrale par mon grand-père avant de décrocher le diplôme officiel, après des études à l’École française d’acupuncture. J’ai passé ma thèse de médecine, puis repris le cabinet de mon père en septembre 1972.
J’aime travailler avec le double regard occidental et asiatique. D’un côté, la médecine occidentale, très élaborée, technique, permet de ne pas passer à côté de risques physiologiques graves ; mais comme elle se focalise sur le(s) symptôme(s) qu’elle s’efforce de traiter, elle pèche sur le plan thérapeutique. Et puis la prise de médicaments est certes très utile, mais elle induit aussi des effets secondaires. De l’autre côté, l’acupuncture constitue un complément intéressant, car l’approche chinoise travaille plus le fond, la vision globale. Elle apaise et rééquilibre l’énergie du corps ainsi que le système nerveux. Je suis convaincu que le manque d’énergie et l’épuisement sont la cause d’un grand nombre de maladies psychosomatiques. La fatigue excessive, consécutive soit à un sommeil insuffisant, soit à un sommeil de mauvaise qualité, est à la source du stress et de l’anxiété. Tous deux se caractérisent par l’impression permanente d’être agressé, que ce soit par une situation ou par quelqu’un. Les patients ont les nerfs à fleur de peau, ne supportent plus grandchose. C’est cette très grande
fatigue qui provoque leur tension. Comment changer cela ? Je ne peux pas agir sur leur environnement anxiogène, mais il est possible d’en modifier leur perception. En les relaxant, leurs réactions seront moins vives. La personne stressée est une écorchée vive qu’il faut apaiser. Elle se relâche, devient moins sensible, éruptive quand sa fatigue disparaît. Attention, il ne s’agit toutefois pas de l’occulter. La seule manière saine d’en finir avec elle, c’est de retrouver un sommeil réparateur.
En 1974, grâce à un patient, j’ai compris l’importance d’un point situé sur le crâne que j’ai piqué pour le soigner. Il est au coeur de l’énergie du corps. C’est mon grand-père qui me l’avait montré. Il porte le nom de paé roé [ lire encadré]. Je l’utilise depuis quarante-quatre ans pour soigner toutes les souffrances qui dérivent d’une fatigue excessive et chronique. Le simple fait de stimuler cette zone sur la tête permet de dormir beaucoup mieux.
La première séance
La première fois, les patients arrivent le plus souvent avec leurs examens et leur diagnostic, qu’il ait été posé par un généraliste ou par un spécialiste. Je consulte les documents, puis nous nous entretenons pendant une dizaine de minutes : ils me racontent leur parcours médical. Je vois presque immédiatement s’ils sont ou pas reposés : le masque de la fatigue s’affiche toujours sur le faciès. Je repère les stigmates dans la posture, la manière dont le corps se tient et j’observe les compor tements. Quand l e s gen s ne sont pas disponibles, que vous les sentez facilement agacés, quand ils s’impatientent très vite, c’est significatif. Je donne mon interpré- tation en leur disant : “De mon point de vue, cela signifie que telle ou telle fonction est perturbée.” Ma solution pour l’anxiété et le stress passe par paé roé. Le malade reste assis. Je me mets derrière lui et je recherche son point. Quand je l’ai bien localisé, je pique, puis je le fais s’allonger pendant trente à quarante-cinq minutes. Je quitte la pièce et je reviens pour constater généralement que le patient s’est détendu, voire qu’il est en train de dormir. À mon retour, je me place derrière lui, coupe l’aiguille pour ne garder qu’un fil qui me sert de tuteur dans lequel je rentre un tube en plastique rempli d’encre pour tracer un minuscule tatouage : il me servira de repère pour les séances suivantes. Car paé roé n’est pas facile à identifier. Cela peut se jouer à quelques millimètres. Il m’arrive de ne pas le trouver tout de suite. La séance suivante, le patient peut revenir en m’expliquant qu’il a été surexcité toute la semaine. Dans ce cas, grâce au repère, je suis sûr de ne pas repiquer au même endroit et de le dénicher. Les effets de la stimulation se font rarement sentir tout de suite. Il faut compter trois à quatre semaines. On ne se débarrasse pas du jour au lendemain de mauvaises habitudes, de réflexes conditionnés mis en place par le corps pour lutter contrer la fatigue. En général, entre dix et vingt séances d’acupuncture sont nécessaires pour évacuer ses souffrances. Je voudrais faire passer un message : acceptez votre fatigue. Il faut la réapprivoiser, en finir avec une vision honteuse de ce phénomène absolument naturel. Redonnez-lui son sens originel. Tout comme la faim, la soif, elle est un signal physiologique vital. C’est une demande de repos pour maintenir votre équilibre. Et cela ne se négocie pas. » Maurice Tran Dinh Can est l’auteur, avec Juliette Jarre, de Comment retrouver toute son énergie ( Éditions du Rocher).