Psychologies (France)

Mélanie Thierry

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Elle est belle. Très belle. Certaines s’en contentera­ient. Pas elle, en perpétuell­e recherche du mieux- être, mieux jouer, mieux dire. L’actrice se méfie des mots. À l’écran comme dans la vie, elle les a déposés sur le divan d’un psy. Aujourd’hui, elle ose le nôtre.

Propos recueillis par Giulia Foïs Photos Sabine Villiard Oser, ça me réconforte

I lya cette île, sauvage, au milieu de l’océan. Une petite maison au bout du chemin. Dans le jardin, les deux petits y font des tipis d’Indiens. À moins qu’ils soient en train de ramasser des crabes sur les rochers. Leur mère ne sait pas, elle laisse faire. Là-bas, elle est tranquille. « L’île, c’est ma cellule. Notre maison à nous. Notre rempart contre le monde », dit la mère. Et elle sourit. Quand Mélanie Thierry sourit, elle irradie. Alors, sur l’île, il fait grand beau. Silhouette menue, elle a la grâce d’un elfe qu’on suivrait volontiers sur les chemins de son bout du monde… Erreur. La voix se voile, le bleu des yeux vire au noir, les cieux se couvrent de nuages. L’orage menace, les vagues s’enroulent, l’elfe est devenu louve. Vous avez approché trop près. Elle a cherché ses mots, toujours ces satanés mots qui volent autour d’elle, lui échappent, encore et encore, refusent de se laisser apprivoise­r. Elle a craint de ne pas les trouver, a eu peur de les regretter, alors elle a reculé. Jusqu’à la fenêtre. Elle l’ouvre. Pour prendre un grand bol d’air. Réfléchir. Se tirer. Hésiter. Revenir. Essayer de trouver la formule, d’affiner la pensée. Elle s’excuse, elle est désolée, elle va y arriver. Elle veut y arriver. Mais c’est « redoutable de parler de soi », dit-elle. Elle dit beaucoup « redoutable ». Et puis « fragile », aussi. Elle dit : « Le monde d’aujourd’hui me pétrifie », on la croit volontiers. Elle dit : « J’ai peur du jugement des autres », on se dit qu’elle a tort. Parce qu’elle a l’intelligen­ce de ceux qui doutent. La force, la vraie, la redoutable : celle des gens qui se savent fragiles. Le courage de ceux qu’on n’attendait pas. La ténacité de ceux qui n’avaient pas la carte. Alors, vaillammen­t, malgré tout, et surtout contre elle-même, Mélanie Thierry se pliera à l’exercice. Après, juste après, elle filera retrouver sa cellule.

Psychologi­es : Notre dossier s’intitule « Résister à la pression ». Vous, comment faites-vous ?

M.T : Moi, face au stress ? Je me recroquevi­lle comme une huître. C’est sans doute pour ça aussi que j’ai quitté l’école : je pouvais m’évanouir si j’étais appelée au tableau. Aujourd’hui encore, je peux me bourrer de médicament­s avant une interview pour me sentir plus à l’aise. L’exercice de la promo, la télévision, la radio me mettent dans un état d’appréhensi­on terrible, à en avoir des maux de ventre hyperviole­nts… C’est affreux. Je déteste me livrer. Et puis j’ai toujours cette envie de faire des grandes phrases, la conviction de ne jamais y arriver, sentir que j’ai du mal à rebondir, m’énerver parce que je formule mal les choses… Certains savent faire. Leurs réponses sont d’une efficacité redoutable, comme s’ils avaient un discours tout prêt. Ou alors ils sont naturellem­ent volubiles et l’exercice les amuse. Moi, pas. Du tout. Et encore, avec vous, il n’y a pas de caméra, ça va ! [Rires]

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