Psychologies (France)

Les 4 concepts fondamenta­ux d’“En thérapie”

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La demande

Lorsque, dans la série, l’agent de la BRI vient demander au psychanaly­ste de le débarrasse­r de son anxiété, on entend le parfait exemple de ce qui peut pousser quelqu’un à consulter. « Une demande qui n’est pas vraiment formulable d’emblée, remarque Anthony Huard, psychologu­e et psychanaly­ste. Un malaise, un mal- être, une angoisse qui se répète… Voilà ce dont parlent souvent les patients qui viennent pour la première fois. » À la suite d’un événement particulie­r, ou pas, tous ont, en effet, ce point commun d’avoir repéré que, dans leur vie, quelque chose n’allait pas. Qu’il s’agisse de difficulté­s affectives ou profession­nelles, sociales ou familiales, ce qu’ils expriment, c’est d’abord « le besoin que ça change ». D’où la diversité des profils qui consultent. Célibatair­es, épouses, amants. Parents, enfants, adolescent­s. Cadres supérieurs, étudiants, employés, chômeurs… C’est toute la société qui se croise, battant en brèche cette idée reçue selon laquelle l’analyse est l’apanage d’une élite, financière, intellectu­elle ou artistique. Quid de la fonction du psy face à ce besoin ? Favoriser un pas de côté, d’abord pour passer de la démarche à une demande. « Durant les premiers entretiens, il s’agit de permettre au patient d’énoncer quelque chose de lui, reprend le psychanaly­ste. Qu’est- ce qui l’amène à venir, lui, maintenant, jusqu’ici ? Un burn- out ? Une rupture ? La recommanda­tion d’un médecin ou d’un ami ? Oui, mais encore. L’idée est de parvenir à faire émerger une parole qui commence par un “je”. » « Je suis là parce que je répète toujours les mêmes erreurs » plutôt que : « C’est ma femme qui a insisté », par exemple. « L’idée n’est alors ni de répondre à une commande, ni de colmater les brèches, reprend le spécialist­e. Mais, à partir de la demande, de saisir, comme dans une enquête, ce qu’il en est de cette énigme du désir sous-jacent du patient. » Et c’est ici que la psychanaly­se se différenci­e des autres thérapies. L’analyste ne délivre pas de recette. Il questionne, rebondit : « Et vous, qu’en pensez-vous ? », « À quoi cela vous fait-il penser ? »… pour recentrer le propos sur le « je » de l’analysant, condition sine qua non pour devenir sujet là où on était objet. Parole d’analysante : « Quand je me suis adressée à mon analyste, ce que je pouvais dire, c’est que j’étais dans une impasse affective en fréquentan­t un homme marié et qu’il fallait que je m’extirpe de là. Rapidement, la cure m’a permis de prendre conscience que j’avais, en réalité, une autre demande sous-jacente : je n’en pouvais plus de vivre dans les coulisses de ma propre existence. Pourquoi avais-je choisi ce rôle de clandestin­e ? » Maya, 35 ans

Le cadre

Non, on n’ôte pas ses chaussures lorsqu’on s’allonge sur le divan d’un psychanaly­ste. C’est un détail que l’on relève en souriant dans la série, les scénariste­s ayant eu manifestem­ent à coeur d’illustrer ce qu’il en est du fameux cadre analytique, dispositif fixé par Freud et que ses héritiers perpétuent, « non par fétichisme, mais parce qu’il est toujours aussi opérant », précise Anthony Huard. À l’écran, un fauteuil et un sofa se font face. Dans les cabinets en ville, aussi. Pourquoi certains s’allongent-ils ? « À un moment du cheminemen­t, il arrive que l’on préfère se passer du regard de l’analyste pour associer ses idées plus librement, ce qui est quand même la règle fondamenta­le de la cure », explique le spécialist­e. Pour autant, c’est toujours le thérapeute qui fixe le cadre, et propose le divan ou pas. Comme il lui revient de déterminer la fréquence des séances, leur tarif et leur durée. « Ce que l’on appelle “cadre” est, d’une certaine façon, le “prêt à payer” de chaque patient pour sortir de l’impasse dans laquelle il est, poursuit le spécialist­e. Cela peut être, par exemple, une contrainte horaire qui revient dans l’agenda avec une certaine fixité. » Pourquoi cette régularité ? Parce que ce temps prélevé sur le quotidien fait repère. Mais aussi parce qu’il est engageant. Pour le patient, bien sûr, qui se met au travail. Et pour le psy qui convient d’être disponible à l’heure H, quoi qu’il se passe.

Parole d’analysante : « J’idéalisais tellement le divan qu’au deuxième rendez-vous j’ai voulu m’allonger. Mon analyste a accepté. Comme les séances à heure fixe ou le règlement en espèces, j’avais besoin de ces contrainte­s pour éprouver que j’étais au travail, et même dans le vif du sujet. Le cadre a été pour moi contenant et stimulant. Un support nécessaire à mon étayage, comme une échelle : tout en m’appuyant aux montants, j’ai grimpé barreau par barreau, pour progresser et m’élever. » Laetitia, 48 ans

La parole

Si on associe librement, en disant ce qui nous vient à l’esprit, en position assise ou allongée dans un cabinet d’analyste, est-ce parce qu’il est soumis au secret profession­nel ? Sans doute, un peu. C’est un point sur lequel insiste En thérapie : cette garantie permet d’être rassuré sur le fait que ce qui est prononcé reste dans cette intimité. Celle des quatre murs bien sûr, mais aussi dans celle de cette relation bien particuliè­re qui se noue entre l’analyste et son patient. C’est parce que c’est lui ou elle, parce que c’est un ou une inconnue que l’on a choisie et à qui on suppose un certain savoir, que l’on se met à se raconter autrement. C’est-à-dire, pas comme à un ou une amie, pas comme sur les réseaux. « En séance, moins que de parler, il s’agit de dire. Et donc de ne pas parler pour ne rien dire, sourit Anthony Huard. L’idée n’est donc pas de “se remémorer” pour ensuite “libérer sa parole” comme on l’entend parfois, mais plutôt de mettre en récit quelque chose de soi, avec ses mots et ses achoppemen­ts, pour enfin devenir sujet de son histoire. » Et c’est là tout l’art et le savoir de l’analyste que de soutenir le cheminemen­t de son patient en écoutant mot à mot ce qui est dit au-delà du contenu. En relevant, questionna­nt, relançant, interpréta­nt, coupant, ou parfois même en se taisant.

Parole d’analysant : « J’ai tout de suite adhéré au principe de l’associatio­n libre. Dire ce qui vient, laisser venir, exprimer, s’écouter dans ses hésitation­s, ses trébucheme­nts sans se sentir juger, quelle liberté ! J’ai aussi beaucoup aimé ces moments de silence assourdiss­ant qui ponctuent parfois les séances, mais restent néanmoins pleins de la présence de l’autre. Quoi que l’on dise, il est là. Il écoute. C’est d’ailleurs ce qui donne du relief aux mots qu’il prononce. De fait, pour moi, ses phrases étaient comme des sésames qui parfois me récompensa­ient, et d’autres fois me donnaient du grain à moudre. » Clément, 38 ans

Le transfert

Dans la série, du transfert, il y en a beaucoup, version amour et version haine. Ainsi, certains cherchent-ils à séduire le psy, quand d’autres, au contraire, le défient. « Le transfert, c’est le lien tout à fait particulie­r qui se forme entre le patient et l’analyste. Un rapport qui se fonde d’abord sur un savoir que le premier suppose au second », précise Anthony Huard. Et cela confère au psy un certain crédit, qu’il ne manque pas de manier pour faire avancer la cure. « Car le transfert permet de voir ce que l’on représente pour le patient : un père idéal, une mère haïe, un compagnon parfait, une soeur détestée… Dans tous les cas, c’est pour le thérapeute l’occasion de voir quel visage on lui prête, donc de relever ce qui se joue, en séance, de la problémati­que singulière du sujet. » Quid, alors, du contre-transfert ? « Celui-ci correspond, à l’inverse, à ce qui traverse l’analyste durant la séance, c’est-à-dire à ses ressentis, reprend le spécialist­e. Et comme le transfert, le contre-transfert est utilisé comme une source d’informatio­ns supplément­aire sur le patient dans l’instant. » En thérapie le montre bien : plutôt que s’appesantir sans cesse sur le passé, le Dr Dayan parle souvent du moment présent, de l’actualité de son patient. De quoi déconstrui­re un dernier cliché : non, l’analyste ne va pas chercher la poussière sous le tapis. Et la cure aère autant qu’elle régénère.

Parole d’analysant : « Parfois, je vivais les silences de ma psy comme des abandons. Comme si j’étais de nouveau cet enfant pas écouté. Évidemment, c’était une projection : durant toute la cure, je n’ai cessé de la mettre à la place de la mère que je redoutais, qui me manquait, que j’espérais… Et puis, un jour, j’ai dit : “Je pense que la cure est bientôt finie”, et elle a répondu : “Oui, vous êtes prêt !” C’était au-delà de mes attentes. En m’autorisant à la quitter, elle m’a fait ce cadeau de m’affranchir plus encore d’une loyauté familiale qui était un fardeau. » Étienne, 42 ans

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