QUESTION D’ACTU
Formation, incitations à l’embauche, emplois aidés : le plan “1 jeune, 1 solution” est entré en vigueur fin août. Cela suffira-t-il à aider les 16-25 ans à s’insérer sur un marché du travail chamboulé par la crise du Covid-19 ? Anne Eydoux, maître de conf
“Le plan jeune ne permettra pas réellement de créer des emplois” par Anne Eydoux
Les mesures incitatives du gouvernement (des aides pour le recrutement d’alternants, une prime à l’embauche de 4 000 euros) sont-elles suffisantes pour favoriser l’emploi des jeunes ?
Le gouvernement, qui prévoit de dépenser 6,5 milliards d’euros sur 2020-2021, a présenté un éventail assez large de mesures. Mais ce plan, qui mise sur la réduction du coût du travail pour inciter les employeurs à embaucher, présente des limites. Les évaluations montrent depuis longtemps que la réduction du coût du travail est peu efficace pour créer des emplois. Les incitations à l’embauche génèrent des effets d’aubaine : beaucoup d’entreprises bénéficient d’aides pour des personnes qu’elles auraient recrutées de toute façon. Bien sûr, les aides peuvent agir sur les embauches, mais c’est souvent par un effet de substitution : plutôt qu’un trentenaire avec un peu d’expérience, c’est un plus jeune qui est recruté. Les embauches réelles générées par les allègements de cotisations sont finalement assez peu nombreuses. Une prime ne suffit pas à susciter l’embauche : comme l’ont encore rappelé la CPME et l’U2P, il faut aussi que les carnets de commande soient bien remplis.
Cela reviendrait donc à dépenser beaucoup d’argent pour un résultat plutôt timide ?
On se trouve ici dans la continuité des politiques de ces 30 dernières années : des mesures qui agissent sur les marges de l’emploi, mais sans véritable efficacité. Et avec un risque de dégradation de la qualité de l’emploi. On peut ainsi se demander pourquoi accorder une prime aux employeurs pour un CDD de seulement 3 mois. Cela revient à soutenir la rotation des travailleurs. Le plan “1 jeune, 1 solution” vise aussi un retour rapide à l’emploi. Avec le risque de pousser les jeunes en difficulté vers un emploi qu’ils n’ont pas choisi. Pour créer des emplois, il faut une activité dynamique, une demande pour la production. On aurait pu espérer un plan de relance allant dans ce sens. Or le gouvernement annonce privilégier l’offre. On peut s’attendre à une surenchère de cadeaux fiscaux pour les entreprises, une stratégie coûteuse qui ne permet pas de relancer l’activité. Surtout qu’aucune contrepartie n’est exigée.
Que pensez-vous du second volet du plan jeunes, qui consiste à créer des emplois aidés et à amplifier la Garantie jeunes ? Cela pourrait-il aider les jeunes en situation de précarité ?
Ce n’est ni nouveau, ni suffisant. Les emplois aidés constituent souvent la seule voie d’accès à un emploi et à un revenu pour des jeunes chômeurs n’ayant droit ni aux allocations chômage ni au RSA. Mais ce ne sont pas des emplois de qualité, assurant une insertion durable. Et en temps de crise, les employeurs boudent parfois ces dispositifs : s’ils n’ont pas besoin d’embaucher, même avec une aide ils ne le font pas. La Garantie jeunes est un soutien précieux à l’insertion des jeunes en difficulté. Mais l’aide est temporaire. Elle n’assure pas un filet de sécurité continu jusqu’à leurs 25 ans, âge auquel s’ouvre le droit au RSA.
Le plan jeunes ne résout donc pas ce problème de chaînage des mesures d’insertion des jeunes. Comment pourrait-on réellement favoriser l’emploi des jeunes, selon vous ?
Le taux de chômage des jeunes a nettement baissé entre 1997 et 2001, à la faveur de la croissance et de la mise en place les 35 heures. Dans la crise actuelle, l’État a beaucoup dépensé en chômage partiel pour préserver l’emploi. Or la réduction du temps de travail devrait aussi faire partie des instruments pour l’emploi lorsque l’activité est en berne. Le gouvernement a montré qu’il pouvait dépenser massivement pour soutenir l’économie. Il est temps de le faire en sortant du dogme néolibéral de la magie des primes à l’embauche. Il est urgent de renouer avec une forme de planification permettant de soutenir l’économie en réorientant les activités, y compris en créant directement des emplois durables pour les jeunes.