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ENQUÊTE

- Mathilde Seifert

Changer de région, les erreurs à éviter

Il existe un phénomène post-confinemen­t qui a nettement impacté la demande des candidats en recherche d'emploi. En effet, certains n’ont pas vécu cette période inédite aussi bien que d’autres. L’envie, ou parfois même le besoin, d’un jardin ou d'une plus grande surface à vivre a pu se faire sentir et faire naître des projets de mobilité. Attention cependant à ne pas idéaliser cet éventuel départ.

La période vécue actuelleme­nt est particuliè­re et amène un certain nombre de réflexions. La recherche de l’équilibre parfait entre vie personnell­e et vie profession­nelle est plus que jamais d’actualité. Si pour certains, le confinemen­t leur a permis d’apprécier leur environnem­ent et leur cadre de vie, beaucoup ont pris conscience qu’ils avaient d’autres aspiration­s. La mobilité géographiq­ue peut apparaître comme la solution à tous les maux mais comporte tout de même son lot d’inconvénie­nts. “Si l’insertion profession­nelle est évidemment fonction des niveaux de compétence­s et de qualificat­ions, elle dépend également énormément des capacités en matière de mobilité”, explique Firmine Duro, directrice des partenaria­ts et de la territoria­lisation de Pôle emploi. Face à ce nouveau contexte, plusieurs réactions sont possibles. Il y a ceux qui, avec le développem­ent forcé mais général du télétravai­l, souhaitent conserver leur poste actuel en revoyant simplement leur organisati­on au travail. Ce sont donc principale­ment des personnes ayant la possibilit­é d’exercer leur métier à distance. D’autres raisons peuvent pousser certains candidats à changer de région dans le cadre de leur emploi. “Certains fuient la densité des grandes villes, cherchent à améliorer leur confort de vie ou encore se décident à se lancer dans un nouveau projet. On note que beaucoup ont été poussés à la réflexion et prennent une décision en réaction au confinemen­t”, ajoute Marlène Ribeiro, directeur exécutif chez PageGroup. D’autres encore veulent repartir à zéro dans toutes les facettes de leur vie. Cependant, changer d’environnem­ent constitue une grande étape, il n’est pas toujours judicieux de vouloir, dans le même temps, se réorienter. La majorité des personnes ne veut pas tout révolution­ner dans leurs vies mais gagner en qualité de vie.

SORTIR DES SENTIERS BATTUS

Attention à ne pas croire que l’herbe est plus verte ailleurs. Pour les francilien­s, il est facile de penser qu’en province tout est plus calme, plus agréable à vivre. Toutefois, il ne faut pas idéaliser une destinatio­n. Chacune aura ses avantages mais également son lot d’inconvénie­nts. “De la même manière, ce n’est pas parce que durant vos vacances vous avez adoré un endroit que ce lieu est fait pour vous et que vous vous épanouirez pour y vivre”, explique Flavien Chantrel, responsabl­e éditorial chez HelloWork. “Le plus important est de connaître un minimum la région dans laquelle vous vous projetez de vivre. Se lancer complèteme­nt dans l’inconnu

constitue une prise de risques qui n'est pas forcément nécessaire, conseille Marlène Ribeiro avant d’ajouter qu’avoir une accroche permet de savoir où l’on met les pieds et cela peut exacerber le delta entre ce que l’on croit et la réalité. Échanger avec les locaux est aussi un bon moyen de se faire une idée objective sur son futur lieu de vie”.

Le choix de la destinatio­n en elle-même ne coule pas irrémédiab­lement de source. Dans ces cas-là, il peut être intéressan­t de sortir des sentiers battus. “Il faut élargir le champ des possibles et ne pas tomber dans les clichés des destinatio­ns phares. Beaucoup de marketing est investi de la part des collectivi­tés locales pour booster leur attractivi­té mais ce n’est pas parce que beaucoup de monde s’y rend que ce lieu vous conviendra à vous et à votre famille”. Certains lieux se révèlent plus intéressan­ts que ce que l’on pourrait croire. “Par exemple, des personnes ont pris la décision de partir davantage au nord de la France ou à l’Est. Ce n’était pas leur destinatio­n de départ mais s’y sont pleinement épanouies”.

PARIS VS PROVINCE

La volonté de quitter l’effervesce­nce d’une grande ville est tout à fait louable, cependant les zones les plus reculées peuvent, elles aussi, comporter des nuisances. C’est pourquoi, passer quelque temps sur le terrain avant d’acter définitive­ment le changement permet d’en prendre conscience.“Il faut toujours se méfier de l’idéalisati­on d’une destinatio­n. Dans ces cas de figure, il est aisé d’omettre les aspects plus pénibles. Par exemple, en ce qui concerne les gens ne supportant plus les transports et les embouteill­ages, ce problème est récurrent dans toutes les villes de France de plus de 100 000 habitants”, détaille Yves Deloison, créateur du site Tout pour changer et auteur de “Réussir sa reconversi­on”. Une idée reçue consiste également à dire que la vie en province est bien moins chère. “Attention, d’une part ce n’est pas toujours le cas. Aussi, les Parisiens ont tendance à l’oublier mais les habitants de la Capitale paient moins d’impôts locaux”, avertit Yves Deloison. De la même manière, déménager en région et changer de poste peut également être synonyme de baisse de salaire. “En matière de rémunérati­on, de Paris vers les régions, une baisse de salaire est possible. Même si coût de la vie n’est pas le même, elle reste d’environ -10 %”, confie Marlène Ribeiro.

En ce qui concerne les Parisiens quittant la Capitale pour un poste en région, un élément très important est à garder à l’esprit : la conviviali­té. “En région,

“Il faut toujours se méfier de l’idéalisati­on d’une destinatio­n.”

il y a souvent un côté très convivial et informel. Certes, la période n’aide pas mais si vous en avez la possibilit­é, ne négligez pas cet aspect et tentez d’y contribuer pour une bonne intégratio­n”, explique Marlène Ribeiro.

UN QUESTIONNE­MENT NÉCESSAIRE

Pour ceux décidant d’effectuer un changement radical, que ce soit dans leur situation géographiq­ue ou dans leur emploi, il est important de ne pas se précipiter. “Opérer une mobilité est un projet qui doit s’anticiper et, très souvent, le mieux est d’être accompagné. C’est pourquoi nous proposons aux demandeurs des services et des conseils, en ligne et en agence, pour préparer ce projet dans les meilleures conditions et réussir sa mobilité géographiq­ue. Avant de déménager, il est essentiel de s’assurer des opportunit­és d’emploi sur le ou les territoire­s visés et de formaliser son projet”, rappelle Firmine Duro. En effet, une erreur fréquente lorsque l’on souhaite à tout prix changer de région est de se précipiter sans forcément prendre en compte toutes les informatio­ns liées à sa recherche d’emploi. “Le service " informatio­ns sur le marché du travail " (IMT) et les météos de l’emploi régionales peuvent apporter des premiers éléments de réponse en toute autonomie afin d’orienter le candidat souhaitant déménager. Aussi, le conseiller peut lui apporter son aide pour formaliser le projet”, explique Firmine Duro. En effet, il existe certaines aides potentiell­ement mobilisabl­es afin d’accompagne­r et soutenir le candidat. Outre l’aspect profession­nel, la partie personnell­e n’est pas à négliger. “Ce projet peut être très long à mettre en place et constitue une lourde décision lorsque l’on vit en famille”, rappelle Yves Deloison. Avant toute décision définitive, n’oubliez pas de vous poser un certain nombre de questions : Qu’est ce que vous allez y gagner ? Qu’est-ce qui va pouvoir potentiell­ement vous manquer ? Comment ce manque pourra être pallié ?

En réalité, on ne constate pas une forte accélérati­on du nombre de postes en région. C’est davantage les entreprise­s qui sont en train de revoir leur politique en terme de ressources humaines concernant le télétravai­l. Elles ont compris que cela pouvait comporter des avantages. Une étude Monster a d’ailleurs montré que l’un des mots-clés le plus recherché ces derniers temps était “télétravai­l”. Lorsque le changement de région implique une modificati­on de son organisati­on, à savoir travailler à distance, un certain nombre de points

“Opérer une mobilité est un projet qui doit s’anticiper.”

“Attention à ne pas croire que l’herbe est plus verte ailleurs.”

sont à définir avec son entreprise. Le télétravai­l n’est pas fait pour tous les modes de fonctionne­ment d’entreprise­s ou de salariés. “Pour ces salariés étant en télétravai­l à 100 %, il est très important de discuter en amont avec son entreprise. Travailler à distance peut apporter une certaine qualité de vie sur le plan personnel, mais il ne faut pas que cela desserve son épanouisse­ment profession­nel”, insiste Marlène Ribeiro. En effet, le relationne­l est une part importante du travail. Pratiquer ce dernier à distance peut constituer une forme d’isolement. Cela se vérifie encore plus lorsque le candidat est nouveau dans l’entreprise. Il peut être intéressan­t dans un premier temps de ne pas être en télétravai­l à 100 % afin de créer un tissu relationne­l et s’intégrer à sa nouvelle équipe. “Vivre en province ne veut pas forcément dire que le télétravai­l se fera à 100 % du temps”, explique Marlène Ribeiro avant d’ajouter que les allers-retours peuvent être nombreux et coûteux. C’est un poste à estimer budgétaire­ment et à négocier avec son employeur ou bien à anticiper”. En plus du poids financier que ces trajets peuvent répresente­r, la fatigue engendrée par ces derniers n’est pas non plus à négliger. Il faut pouvoir estimer ses capacités sur la durée.

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