Poudrer sans dénaturer
TEXTE
HÉLÈNE BORDERIES
Une pincée, et hop c’est assaisonné… Facile, rapide, efficace. « Le but est d’avoir un produit aussi simple à utiliser que de la fleur de sel », argumente Sébastien Bras, qui vient d’élargir sa collection de « Niacs » (voir encadré), ces condiments phares de la cuisine familiale. Curry, ras-el-hanout, zaatar, quatre-épices… Tous ces beaux mélanges sont des poudres qui ont fait leurs preuves dans le monde entier. « Inutile de créer une nouvelle texture, renchérit Olivier Roellinger, plutôt apprendre à sublimer cet art de l’assemblage sec, sans ajout d’additifs ou de liquides. » Comment donner de la personnalité à un plat ? En l’assaisonnant avec du sel et du poivre, mais aussi en le réveillant avec des épices bien dosées… Ce que Olivier Roellinger résume d’une phrase inspirée : « Les épices sont à la cuisine ce que la ponctuation est à la littérature. » Elles structurent un plat, lui donnent des contours plus marqués, une lisibilité indispensable. À condition de savoir maîtriser cet art, car il faut poudrer sans dénaturer. Sébastien Bras remplace, par exemple, le traditionnel mélange sel-poivre, compagnon du radis, par une poudre à base de citron confit et de gingembre. Un accord qui vient « niaquer, titiller, réveiller le palais », en procurant un effet de surprise, sans écraser l’ingrédient principal. Il faut toujours garder à l’esprit que l’épice est au service du plat. Existe-t-il une limite à la création ? Pas vraiment… Si le chef de Laguiole (Aveyron), aime intégrer dans ses mélanges des zestes d’agrumes confits, il s’intéresse aussi aux légumineuses, qu’il mélange aux poudres sous forme de lentilles germées pour leur exceptionnelle richesse nutritive. Le chef breton se concentre, lui, sur les épices – plus de 250 – pour faire « chanter et danser la cuisine du quotidien ». Il compare son travail d’élaboration, qui peut prendre six à douze mois, à la création d’un parfum. « Sauf que je ne m’adapte pas à la peau d’une femme, souligne-t-il, mais à une courgette ou à un maquereau ! » L’un comme l’autre déplore que la plupart des gens se limitent au sel et au poivre au lieu d’explorer la diversité des accords possibles…