Regal

Le pot-au-feu mode d'emploi

Vous saurez tout sur cette recette vieille comme le monde qui nous réconcilie avec l'hiver

- RECETTES, RÉALISATIO­N ET STYLISME JULIE SCHWOB PHOTOS JEAN-BLAISE HALL MERCI À LE CREUSET POUR LA COCOTTE

Nni plus ni moins un bouilli de viandes et de légumes, voilà ce qu'est un pot-au-feu, un type de recette présent dans de nombreux pays et régions françaises, dont l'origine se perd dans la nuit des temps. Au fond, sans leur faire offense, la potée lorraine ou la garbure ne sont que des types particulie­rs de pot-au-feu, tout comme la bouillabai­sse ! On oserait dire qu’il se perd dans la nuit des temps, la cuisson de légumes dans un pot formant l’une des bases de l’ancestrale ration campagnard­e. Jusqu’à la fin du XIXe siècle, les livres de cuisine présentent le pot-au-feu d’abord comme le moyen d’obtenir un riche bouillon. La viande est traitée à part – en miroton, par exemple. C’est ce bouillon qui accède à la dignité de « plat national ». Le célèbre chef Antonin Carême ouvre son Art de la cuisine française (1833) par le «modeste pot-au-feu», «humble soupe grasse», «nourriture principale de la classe laborieuse de la nation». Aux yeux de BrillatSav­arin, ce potage constitue « la base de la diète nationale française » (1825) – mais il traite avec un certain dédain le bouilli de boeuf peu nutritif dont on a épuisé les sucs. Trente ans plus tard, les auteurs d’un petit ouvrage sur les restaurant­s de la capitale (Paris-restaurant­s, 1854) ont la dent plus dure encore : « Le pot-au-feu n’a de valeur en définitive que par son bouillon, mais songez bien qu’il vous impose en même temps son infâme bouilli, cette viande flasque et lugubre, qui est cause que tant de maris désertent leur intérieur et veulent plaider en séparation »...

Le septième plat préféré des Français

Ce mépris pour le boeuf bouilli et ses légumes va lentement se dissiper au cours du XXe siècle. Pourtant dans l’entre-deux-guerres encore, La véritable cuisine de famille rappelle les bonnes manières à ses lecteurs: « Les légumes se servent à part sur une assiette, soit avec le potage, soit avec le boeuf, mais ceci ne se fait qu’en petit comité; lorsqu’on a des invités, les légumes ne se servent pas.» En 1934, Auguste Escoffier vante « ce plat bien français qui, sous sa simplicité, résume le dîner complet du soldat et des classes laborieuse­s.» Plus près de nous, l’édition 2007 du Grand Larousse gastronomi­que le qualifie d’« apprêt spécifique­ment français ». Dans les faits, l’attrait pour la viande bouillie déclinant, on aurait pu croire que l’heure de gloire de cet étendard culinaire appartenai­t désormais au passé. En 2006, une enquête (Sofres) traduisait ainsi l’ambiguïté de son statut: le pot-au-feu y était élu «plat le plus typiquemen­t français» par le millier de personnes sondées, mais n’arrivait qu’en 7e position dans le classement de leurs plats préférés. La bistronomi­e lui redonne des couleurs. Le pot est loin d’être enterré. Il n’y a pas le feu !

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LOIC BIENASSIS, HISTORIEN À L’INSTITUT EUROPÉEN D’HISTOIRE ET DES CULTURES DE L’ALIMENTATI­ON (IEHCA)

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