Me gusta México
Une cuisine colorée en pleine renaissance
Oubliez les tex-mex qui ont inondé l’Europe et les États-Unis de faux burritos, pseudo-tacos et shots de tequila, le vrai Mexique ne se résume pas plus aux clichés du piment qui arrache la langue qu’aux larves de fourmis à gober sur le mode Koh-Lanta… Riche, subtile, éclatante de fraîcheur, la cuisine mexicaine se
renouvelle en explorant fièrement son héritage. Il suffit d’aimer le guacamole maison, à peine relevé, pour être prêt à apprécier une sauce au cacao salée digne des Aztèques, une viande confite sur une petite galette de maïs ou une tequila 100 % agave, qui se savoure lentement... Entre les golfes de Californie et du Mexique, l’océan Pacifique et la mer des Caraïbes regorgent de poissons et de crustacés. Quant aux terres, dont plus de la moitié sont perchées à plus de 1 500 m d’altitude, elles offrent des viandes tendres à souhait, et une palette inouïe de fruits et de légumes, du plus exotique au plus familier. Prenez Mazatlán, par exemple – délicieuse ville du Pacifique dans l’État du Sinaloa, connue pour son carnaval exubérant –, c’est
aussi la capitale de la crevette. Un marché local est encore entièrement dédié au petit crustacé, autrefois séché et gardé dans une nasse de feuilles entrelacées. Les plaines côtières, particulièrement bien irriguées, regorgent de fruits et de légumes expédiés à travers tout le pays. C’est l’une des villes sûres et tranquilles, où le quidam peut sortir le soir. Des « cantinas », bars populaires à l’ambiance joyeuse et un brin macho, peu fréquentées des touristes, à la myriade de petits et grands restaurants, le centre historique bruisse de vie.
Reconnaissance mondiale
C’est là que Diego Becerra, le chef du fameux El Presidio Cocina, a créé une association avec six compères aux restaurants reconnus pour leur cuisine créative. «Au Mexique, la cuisine de rue peut encore égaler celle d’un étoilé,
s’enthousiasme-t-il. Mais les huiles raffinées remplacent désormais le bon lard, qui se glissait dans toutes les recettes, pain compris… Il est temps d’empêcher la junk food de progresser. » La bande des sept se démène à travers le pays pour clamer leurs valeurs. Ensemble, ils célèbrent le produit brut de qualité, et les savoir-faire hérités des Aztèques et des premiers colons ; ils s’en inspirent, insufflent un peu de technique et un maximum de plaisir. Une reconnaissance mondiale les encourage à poursuivre : en 2010, « la cuisine traditionnelle mexicaine » est entrée au patrimoine culturel immatériel de l’Unesco, au même titre que « le repas gastronomique des Français » et « la diète méditerranéenne ». Aucun risque de se lasser des tortillas ou des tacos : comme les pâtes des Italiens, la petite galette est un prétexte pour décliner toutes sortes de délices. Une collection répertoriant les ingrédients et les recettes mexicaines a été publiée en 78 volumes sous le titre
Cuisine indigène et populaire. Et elle ne couvre encore que 10 % du patrimoine culinaire !
Chacun des 31 États fédéraux revendique désormais ses spécialités, en espagnol ou dans l’une des 72 langues indigènes nationales. De la Basse-Californie – au nord du Mexique – à l’État du Yucatan au Sud, les visiteurs ont de plus en plus accès aux circuits gourmands de tours operators expérimentés. Les routes du mezcal dans le Zacatecas, du café dans le Chiapas, des vins et de la bière artisanale dans le Querétaro… sont autant d’invitations au voyage. Toutes se croisent à Mexico, où l’on retrouve les spécialités de tous les États.
Chapulines et grillons
Les offices de tourisme ont appris à valoriser leurs terroirs. Dans les territoires réputés à l’abri de l’insécurité, on peut très bien se débrouiller seul. Choisir, par exemple, de dormir dans la chambre d’hôtes d’une chocolaterie au coeur de Oaxaca, se réveiller et déjeuner dans les effluves de fèves de cacao broyées à cru avec les épices, puis déambuler dans les allées du vaste marché traditionnel aux étals chargés de victuailles. Il faut oser goûter les chapulines, ces grillons grillés, vendus de la main à la main par les autochtones, ou siroter les meilleurs mezcals sur le toit en terrasse d’un restaurant branché. Ce melting pot est une mine pour les chefs mexicains, qui ont cessé de s’aligner sur l’Europe et s’approprient aujourd’hui le meilleur de la tradition. Certains sont mondialement réputés, comme Jorge Vallejo du restaurant Quintonil, classé n° 11 sur la liste des World’s 50 Best Restaurants, mais aussi Mikel Alonso, Gerard Bellver, Bruno Oteiza ou Enrique Olvera, dont nous avons découvert la cuisine à Mexico. Au-delà de son restaurant Pujol (voir ci-contre), et de Mesamerica – un festival gastronomique très ambitieux qu’il a fondé et qui attire les grands chefs au Mexique – il revendique un ancrage populaire et