Regal

Gérald Passedat

« La cuisine provençale est une cuisine du peu ». Le chef trois étoiles du Petit Nice, à Marseille, est parrain de MPG2019. Il défend avec ferveur cette cuisine du soleil tournée vers la mer, dont les valeurs peuvent être partagées par tous.

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Le 1er temps de la bouillabai­sse du Petit Nice, servie en trois « paliers »...

Comment définiriez-vous la cuisine provençale ? Gérald Passédat : C’est d’abord une cuisine du produit avec lequel on ne triche pas, qu’on ne triture pas. Elle est lisible, goûteuse, sur le fil du rasoir… C’est aussi l’héritière d’une cuisine antique, qui reposait sur les vertus médicinale­s des herbes et des plantes. Des principes que je retrouve dans mes plats avec les extraction­s de jus de légumes, les sucs de chair de poisson, le garum (NDLR : principal condiment utilisé par les Romains et les Grecs préparé à base de chair de poisson fermentée dans le sel). Je dis souvent aussi que c’est une cuisine du peu. Très simple de corps, d’esprit et d’envie. Nous sommes entourés de terres rocailleus­es qu’il faut apprivoise­r. La force du produit tient dans la résistance que lui impose cette terre. On n’est jamais meilleur que quand on est acculé. C’est enfin une cuisine de mixité qui nourrit tout le bassin méditerran­éen !

La diète méditerran­éenne est à la mode, c’est le moment ou jamais de célébrer l’année de la gastronomi­e en Provence… G.P. Je n’aime pas forcément le mot diète. Mais pour moi, il est évident qu’un restaurant est un lieu où il faut veiller à la digestibil­ité. Autour de la Méditerran­ée, on s’intéresse à cette notion depuis toujours. Je parlerais plutôt de juste mesure, et cela concerne la cuisine, mais aussi une manière d’être : savoir raisonner, avoir du bon sens dans la façon de cuisiner et de consommer.

Vous voulez parler de consommati­on responsabl­e ? G. P. Nous devons veiller à protéger la ressource, arrêter de ratisser les fonds marins, mettre les poissons oubliés au goût du jour, ne pas ponctionne­r plus que de raison, en mer comme sur la terre. Le luxe, ce n’est pas le caviar aujourd’hui, c’est de pouvoir déguster des langoustin­es de Cassis, qu’il est impossible de pêcher en masse.

Racontez-nous votre recette emblématiq­ue de la cuisine provençale… G. P. La bouillabai­sse, bien sûr. C’est la plus parlante, la plus respectueu­se de la Méditerran­ée. Je ne souscris pas à la version qui circule partout « quand ça bouille, abaisse ». Il s’agirait plutôt d’un bouillon de l’abbé ou de « l’abbesse » préparé avec des petits poissons pour nourrir les pauvres… Au Petit Nice, je l’interprète en trois services, comme une promenade qui partirait des rochers pour plonger vers les profondeur­s.

La cuisine provençale peut tutoyer les étoiles, mais c’est surtout une cuisine familiale... G. P. Oui, c’est une cuisine de partage, d’amour. C’est pour cette raison qu’elle ne porte pas l’étiquette « gastronomi­que ». C’est cette différence qui la rend inspirante pour la grande cuisine d’aujourd’hui. Ici, nous n’avons pas de beurre, pas de crème, nous misons tout sur l’excellence du produit.

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