Pierre Reboul « Ma cuisine est surtout créative et récréative. »
Son restaurant du Château de la Pioline affiche une étoile, mais sa personnalité en fait une galaxie à part, un lieu où l’on goûte une cuisine audacieuse qui ne ressemble à aucune autre.
Moléculaire ? Artiste ? Parlez-nous un peu de votre cuisine… Pierre Reboul : Je n’aime pas le mot moléculaire. Toute cuisine est le résultat d’une série de réactions chimiques. Ma cuisine est surtout créative et récréative. On s’amuse, mais on ne transige pas avec le goût. Je respecte d’abord la saison et les produits du moment. À tel point que je n’imprime plus de carte pour me donner la liberté de travailler au plus près du marché. Le soir, je propose un menu signature à 5 plats et un menu à 8 plats. Nos clients nous suivent à l’aveugle. Ils attendent d’être surpris.
Que représente pour vous la Provence ? P.R. La Provence est mon terroir. Ma cuisine est locavore. Pour moi, les vrais stars, ce sont les producteurs. On travaille avec les asperges de Mallemort, les poissons des petits pêcheurs, le safran d’Olivier Reboul au Puy-Sainte-Réparade… Mes plats racontent la Provence. Par exemple, j’ai essayé de recréer le paysage et les parfums de la montagne Sainte-Victoire dans une assiette. La pierre est une pomme de terre transformée en caillou avec du kaolin blanc et de l’encre de seiche, un appareil à quiche représente des copeaux de bois, le terreau est à base de pain noir, de poudre de cèpes et d’amandes. Dans la sauce aux champignons, j’ai glissé des arômes de pin du sud et du tahoon cress pour son goût de lichen… Ça sent les bois !
Vous aimez bien jouer avec les symboles de la Provence… P. R. Oui, c’est une source d’inspiration. J’ai baptisé ma bouillabaisse La Bouille à Pierre, je respecte la recette de la rouille tirée de La Cuisinière provençale, mais je joue avec la présentation. Mon Savon de Marseille est une glace au miel de lavande et pignons, parfumé à l’huile de noisettes et servi avec un palet à la poudre de noisettes torréfiées. Plus sérieusement, je travaille avec Le Roy René pour revisiter toute sa gamme de calissons d’exception. Nous venons de sortir un calisson au cassis noir de Bourgogne et baies de Timut ; suivra bientôt un parfum framboisespoivrons rouges-piment d’Espelette.
Comment participez-vous à MPG2019 ? P. R. J’organise un dîner dans le noir le 29 novembre aux Archives départementales de Marseille pour une cinquantaine de couverts au profit du Téléthon. Ce sera un menu-dégustation déroutant avec des textures bizarres et des trucs un peu fous. On invitera les convives à manger avec les mains, à humer, à sentir autrement… Une expérience unique, on va tout faire pour les perdre ! Pour 130 €, ils ont une dizaine de plats et ils défendent une belle cause. J’espère aussi lancer un grand marché de Noël dans le parc du Château de la Pioline.