L’INTERVIEW ACIDULÉE DE CHRISTOPHE DUFAU
Chef étoilé à Vence, locavore de longue date et infatigable voyageur. Il a retrouvé le goût du citron en rentrant au pays…
Régal : Qu’est-ce que les agrumes locaux ont de particulier pour vous ? Christophe Dufau : J’ai vécu en tout 14 ans à l’étranger, dont la majorité au Danemark. Quand je suis rentré au pays, j’ai été ébloui en retrouvant les marchés de la région, les fruits et légumes d’ici. Je me suis demandé comment j’avais pu vivre sans tout ça aussi longtemps. Les citrons en particulier : j’avais oublié qu’un citron, ça avait un parfum. Ceux qu’on trouvait au Danemark ou en Angleterre, qui venaient d’Argentine entre autres, n’avaient aucun goût, à part l’acidité. Ceux de la région, qu’ils viennent de Menton ou de Saint-Jeannet, ont un arôme riche et complexe, qui transforme réellement les plats.
R : Quelle place ont les agrumes dans votre cuisine ? C. D. Depuis toujours, je ne sais pas cuisiner si je n’ai pas de citron. C’est indispensable, j’en ai toujours sous la main. On peut se passer de sucre si on veut, on peut rarement se passer de sel, et pour moi le citron c’est pareil. C’est un exhausteur de goût, il permet de rectifier une sauce un peu fade, de fixer les saveurs de légumes qui cuisent, et peut même empêcher les pommes de terre de trop cuire et de finir en purée ; il sert énormément. Le risotto par exemple, je ne le fais jamais au vin blanc qui s’impose trop à mon goût. Je déglace au jus de citron coupé à l’eau, ça fonctionne très bien. Le citron et l’huile d’olive forment le mariage parfait : mes vinaigrettes ne contiennent que ces deux ingrédients, du sel et du poivre. Quand je rôtis un poisson ou une viande, généralement j’ajoute un quartier de citron qui va vraiment apporter quelque chose. Sur une côte de boeuf bien marquée puis cuite en cocotte, quand la croûte est bien faite, j’écrase et j’étale le citron qui a cuit avec, sur la viande avant de laisser reposer, c’est mon assaisonnement favori.
R : À part le citron, quels sont vos chouchous ? C. D. J’aime beaucoup l’orange sanguine, même si elle est plus rare chez nous ; j’aime son parfum et ses couleurs assez géniales. Je suis aussi un grand fan de la bergamote, qui est de moins en moins facile à trouver. Mon producteur en réservait toujours deux caisses : une pour moi et une pour Jacques Chibois, mais son arbre est mort cette année. Je vais en chercher ailleurs car j’aime vraiment cuisiner avec ce fruit au parfum très intéressant. J’aime bien l’utiliser comme les Japonais utilisent le yuzu : la bergamote donne beaucoup de jus parfumé et un zeste aux arômes très intéressants et typés. Mais il y a aussi le pomélo, le combawa, le cédrat… Tous les agrumes sont magiques !