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« LA SAUCE, C’EST 80 % D’UNE RECETTE » LES CONFIDENCE­S D’UN SAUCIER DU XXIE SIÈCLE

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POURQUOI CETTE PASSION POUR LES SAUCES ? Parce qu’elle seule apporte de la cohérence à un plat. Elle seule peut unir dans un rapport d’harmonie deux produits aussi différents qu’un filet de boeuf et une botte d’asperges. La sauce, c’est 80 % d’une recette.

POURQUOI AUCUNE GRANDE RECETTE DE SAUCE N’A-T-ELLE ÉTÉ INVENTÉE DEPUIS DES SIÈCLES ? Parce qu’au XXe siècle, l’industrie agroalimen­taire a réussi à faire croire que les fonds de sauce étaient interdits… alors que c’est parfaiteme­nt faux ! Ce mensonge a bloqué la créativité des chefs pendant près d’un siècle. Des décennies de savoir-faire, de transmissi­on, ont été perdues. J’appelle ça un crime contre l’humanité !

EN QUOI VOS SAUCES SONT-ELLES RÉVOLUTION­NAIRES ? Elles tranchent avec le procédé des siècles précédents qui visait à accumuler les ingrédient­s dans une casserole et à les dégrader par la chaleur. Comme ma technique utilise le froid, elle évite ces pertes d’arômes. On est sur un procédé physique et non chimique, qui permet d’atteindre une pureté des goûts inédite. Ce faisant, on élimine les trois reproches qui ont mené à la disparitio­n des sauces à partir des années 1970 : trop grasses, trop salées, avec des goûts indétermin­és de fonds cuits trop longtemps.

VISENT-ELLES À REMPLACER LES GRANDS CLASSIQUES ? Non, parce que ce sont des monuments de notre culture, parfaits en l’état. Ces sauces ont fait l’objet de tellement de travail de la part des grands cuisiniers, que ce serait une insulte à leur mémoire de prétendre les retoucher. Je prends toujours un grand plaisir à cuisiner les classiques du répertoire, une suprême, une béarnaise, une Albuféra, une Périgueux… L’idée n’était pas de les remanier, mais d’inventer quelque chose de complèteme­nt nouveau.

SONT-ELLES RÉSERVÉES AUX PROFESSION­NELS ? Pour le moment, oui : les outils nécessaire­s sont difficilem­ent accessible­s pour les particulie­rs. Mais on peut reproduire sans matériel spécial une partie de ce procédé pour se donner une idée du résultat : placez 150 g de saumon et 150 g d’huile dans un sac à cuisson sous vide, que vous faites cuire (sous vide ou non) au bain-marie à 52 °C pendant 4 h. En récupérant le « lait » après une période de repos, vous aurez un bon aperçu du principe d’extraction.

LA TECHNIQUE PEUT AUSSI S’APPLIQUER AUX DESSERTS ? Bien sûr ! À la chocolater­ie Alléno & Rivoire, que j’ai ouverte avec Aurélien Rivoire en décembre à Paris, je la décline dans des ganaches sans beurre ni crème : on va chercher le goût à l’état pur ■

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