Regal

Raymond Vial, l’empereur de la bouillabai­sse

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Marseille n’a pas le monopole de la bouillabai­sse. La vraie, celle qui est cuite au feu de bois se prépare au bord de la plage du Lavandou depuis 60 ans, chez Raymond, à la façon des pêcheurs.

Sa voix rocailleus­e, arrondie par l’accent de Provence, tonne. Raymond Vial ne tient pas en place, surveillan­t le ballet de ses bouillabai­sses dans la salle, un oeil sur chaque plat. Là, il n’y a pas assez de bouillon, il hèle un serveur, le gronde d’impatience tout en le gratifiant d’une tape sur l’épaule et d’un sourire pour s’excuser d’avoir élevé la voix. Raymond Vial est un personnage de cinéma. On l’imagine donner la réplique à Bernard Blier dans Les Tontons flingueurs. Mais lui ne dégaine que son sourire. « Vous seriez venu hier, il y avait des bouillabai­sses de partout. Aujourd’hui, c’est calme », regrette le restaurate­ur. « Il est tellement gentil », fond une cliente pomponnée, et fidèle à l’établissem­ent depuis 60 ans. Raymond a commencé à cuisiner la bouillabai­sse à l’âge du Marius de Pagnol. C’était en 1963. « Au début, c’était le folklore, on faisait griller les poissons presque sur la plage. Il n’y avait aucun confort mais qu’est-ce qu’on rigolait. Les premiers estivants arrivaient, raconte l’ancien marin. On cuisait la bouillabai­sse sous un toit en roseaux pour se protéger du soleil. Et les pêcheurs nous livraient les poissons sur la plage. » Le restaurant s’est un peu embourgeoi­sé mais n’a rien perdu de son sens de la fête. Dans la cuisine, deux feux de bois crépitent. Les marmites noircies par la suie se succèdent sur la flamme. « On fait la bouillabai­sse comme les pêcheurs la faisaient. Il n’y a pas mieux que la force d’un feu de bois pour provoquer la nécessaire ébullition », explique Raymond, qui compte au moins un bon kilo de poisson par personne. Les espèces de poissons varient dans l’assiette au fil de la saison: saint-pierre, chapon, rascasse marron, dorade royale et langouste en été. « La bouillabai­sse est devenue sophistiqu­ée, souligne Raymond. Autrefois, les pêcheurs n’y mettaient que les poissons avariés, et même parfois que des oeufs. » Un serveur passe, un plat d’un mètre cinquante de long en équilibre sur l’épaule, chargé de poissons cuits et de pommes de terre. Raymond se tait, suit le mouvement de la bouillabai­sse et sourit : « C’est beau. » ■

À la première commande, les garçons allument le feu de bois. Quand les flammes sont jugées vaillantes, la marmite est posée dans l’âtre. Grâce à la force des flammes, l’eau bout très vite. Les poissons sont ajoutés un à un. Le bouillon est goûté pour jauger la cuisson. Elle dure une vingtaine de minutes. Quand la bouillabai­sse est cuite, les poissons sont dressés avec les pommes de terre sur des plats en liège.

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