Qu’est-ce qu’une bonne exposition ?
Derrière cette notion basique se cachent en réalité de nombreuses considérations techniques mais aussi artistiques, sur lesquelles il est essentiel de revenir. Car la prise de vue a beau s’être largement automatisée, l’exposition reste un élément fondamen
Véritable base de la photographie, l’exposition semble une notion acquise pour la plupart des photographes : trop clair, c’est surexposé, trop sombre, c’est sous-exposé. Longtemps critique en argentique, l’exposition paraît presque dépassée à l’heure des algorithmes numériques qui peuvent a priori tout rattraper, voire réinventer. Pourtant, une bonne maîtrise de l’exposition distingue encore souvent un bon photographe d’un débutant, car elle n’est autre qu’une interprétation de la lumière – et des couleurs, on le verra. Elle doit donc être comprise si l’on veut faire passer un message ou une émotion dans ses images. Mais avant de se demander ce qu’est une bonne exposition, il faudrait déjà se mettre d’accord sur ce que l’on entend par “exposition”.
Un seul terme pour plusieurs idées
Au sens strict, il s’agit de la quantité de lumière qui vient exposer la surface sensible quand on prend une photo. Cette quantité dépend de la luminosité de la scène et est régulée par le temps de pose et l’ouverture (voir page de droite). L’exposition est donc avant tout définie par ces deux paramètres de prise de vue. Par extension, on parle d’exposition pour désigner le rendu d’une image, plus sombre ou plus clair. La sensibilité du capteur – ou du film – entre ici en jeu, puisqu’elle modifie sa réaction à la lumière. En numérique, ce réglage ISO est artificiel dans la mesure où il revient en fait à sous-exposer puis à “pousser” le fichier Raw tel un film au développement, le capteur ayant en réalité une sensibilité de base fixe. Au-delà de la sensibilité appliquée à la prise de vue, il existe un lien plus ou moins direct en photographie entre l’exposition réelle (quantité de lumière reçue) et le rendu de l’image. Ainsi, sur une diapositive, pour reprendre l’exemple de l’argentique, la luminosité de l’image finale est directement liée à l’exposition reçue. Mais sur un tirage d’après négatif, on dispose d’une marge de manoeuvre supplémentaire puisque l’on peut jouer sur l’exposition à l’agrandisseur de manière globale, mais aussi zone par zone en maquillant l’image, pour modifier la densité d’un tirage ou bien son contraste. Et comme on est en négatif, une exposition plus grande signifiera une image… plus sombre. On voit bien qu’il y a de la nuance à apporter à ce terme générique. En numérique, ce lien est devenu encore plus ténu, puisqu’il existe mille façons de “corriger l’exposition” a posteriori, à commencer par le curseur Exposition de Lightroom, qui simule très bien ce que l’on aurait pu obtenir à la prise de vue, avec bien sûr certaines limites, nous allons voir pourquoi. Si elle est devenue moins cruciale, l’exposition à la prise de vue reste déterminante. Quand on travaille par exemple directement en Jpeg, son effet s’applique immédiatement à la photo finale, même si les algorithmes de l’appareil vont plus ou moins traiter la luminosité
Il existe un lien plus ou moins direct entre l’exposition réelle et le rendu de l’image
de l’image selon les réglages choisis. Et quand on travaille en Raw, fichier a priori destiné à être malaxé en postproduction, donc plus malléable, il faudra malgré tout soigner son exposition.
Pourquoi? Parce que lorsque l’on capture une image, ce que l’on enregistre est une échelle de luminosités (et de teintes) réparties sur tous les points du cadre. Pour
être correctement restituée sur l’image finale, cette échelle doit “entrer” dans les limites physiques du capteur : on parle alors de dynamique ou d’étendue dynamique. Or, un capteur numérique offre sur une photo donnée une dynamique bien moindre que l’oeil humain et sa pupille toujours active. Il faut que l’exposition de la photo soit suffisante pour que les photosites du capteur détectent un signal lumineux dans les zones les plus sombres, mais pas excessive afin que les photosites ne deviennent pas saturés dans les zones les plus claires. Si cela ne pose pas de problème sur une scène peu contrastée, on atteint vite les limites sur les scènes à taux de contraste élevé, typiquement un paysage ensoleillé.
Qu’est-ce qu’une bonne exposition?
Il y a ainsi autant de façons de répondre à la question “Qu’est-ce qu’une bonne exposition?” que de sens donnés à cette notion. Si l’on parle de rendu d’image plus ou moins lumineux, on abordera des considérations d’ordre sémantique ou artistique, et l’idée d’une bonne exposition dépendra de ce que l’on cherche à véhiculer, puisqu’il s’agira alors d’interpréter la lumière d’une scène. Si notre démarche est commerciale, par exemple, on tâchera plutôt d’obtenir un rendu flatteur, donc plus lumineux, voire un peu surexposé. Si l’on est journaliste ou scientifique, on s’orientera vers quelque chose de neutre et d’informatif, donc sans détails cachés dans l’ombre ou trop surexposés. Enfin, si la démarche est artistique, on aura peut-être tendance à donner un côté dramatique et mystérieux à la scène en la sous-exposant, quitte à sacrifier des détails dans les ombres.
Ces intentions sont bien sûr tributaires des aspects techniques de l’exposition à la prise de vue. Une “bonne exposition” en Jpeg sera celle qui fournit le résultat voulu immédiatement. Mais une “bonne exposition” en Raw sera souvent décevante à première vue, puisque l’idée n’est pas alors d’accéder tout de suite au résultat final, mais de disposer d’un fichier qui contienne un maximum d’informations, afin de pouvoir l’interpréter par la suite comme on le souhaite. Il s’agira dès lors de faire “rentrer” la dynamique de la scène dans celle du capteur, quitte à obtenir une image peu flatteuse car sous-exposée : c’est ce que l’on appelle “exposer pour les hautes lumières”. En effet, celles-ci étant plus difficiles à rattraper que les ombres, cette technique consiste à régler l’exposition sur les zones les plus claires pour éviter de les brûler irrémédiablement, en vue d’éclairer ensuite au traitement les zones d’ombre, bien cachées dans le fichier mais plus facilement récupérables si l’on dispose d’un bon logiciel.
Comment la modifier?
Contrôler ainsi son exposition demande donc de maîtriser un tant soit peu les réglages de son appareil, afin de dépasser les automatismes embarqués, qui au mieux donnent un rendu fiable mais neutre, au pire tombent dans le piège de certains sujets difficiles (voir le détail sur les modes de mesure pages suivantes). Pour cela, les appareils disposent en général de quatre modes : P, A, S et M, qui varient selon les marques, S devenant par exemple Tv et A devenant Av chez Canon.
La façon la plus radicale de procéder est de travailler en mode M : on contrôle alors les valeurs de vitesse, d’ouverture et de sensibilité. Les mesures de l’appareil n’interviennent dans ce mode que pour indiquer le niveau de sous ou surexposition, soit par un outil d’aide (échelle d’exposition ou histogramme), soit directement par l’aperçu d’image. Parfait en photo statique dans des conditions lumineuses plus ou moins contrôlées (paysage, studio), mais à déconseiller en photo sur le vif, car on aura toutes les chances de rater son coup faute de pouvoir s’adapter à temps. Le mode P, comme les autres modes Auto, est automatique. Sur les appareils à contrôle externe comme le Fujifilm X100VI (voir ci-contre), il revient à positionner sur le cran rouge A (Auto) les bagues d’ouverture, de vitesse et de sensibilité. Sur certains boîtiers, il peut être facilement contrôlé grâce à une ou plusieurs molettes jouant sur l’un ou l’autre des paramètres, soit en modifiant la valeur d’exposition globale (correction d’exposition), soit en compensant pour conserver une même exposition globale, ce qui équivaut à passer en mode A ou S.
Ces deux modes semi-automatiques permettent de garder la main sur un réglage essentiel – la vitesse (Speed) en S ou l’ouverture (Aperture) en A – tout en se reposant sur la mesure de lumière de l’appareil pour retomber sur une bonne exposition, qui pourra être altérée dans un sens ou dans l’autre grâce au correcteur d’exposition. Si la vitesse n’est pas un paramètre décisif (comme en photo sportive, par exemple), le mieux est de prendre l’habitude de travailler en mode A, puisque l’ouverture va déterminer la profondeur de champ, qui influe beaucoup sur l’esthétique de l’image.
plus exactement le temps de pose, détermine la durée pendant laquelle l’obturateur (mécanique ou électronique) va laisser passer la lumière sur le capteur. Cette durée peut aller d’une fraction de seconde (1/4000 s en mécanique sur ce Fujifilm X100VI) à plusieurs minutes en pose B ou T. Le risque de flou de mouvement augmente alors.
du diaphragme situé dans l’objectif fonctionne comme un robinet qui va réguler le débit de lumière. Chaque cran, exprimé en f/N, double la quantité de lumière quand N diminue, tout en réduisant la profondeur de champ (plage de netteté). Une photo au 1/125 s à f/8 sera exposée comme au 1/500 s à f/4, mais les effets de flou seront différents.
peut varier d’une image à l’autre en numérique, complétant avec la vitesse et l’ouverture le triangle d’exposition : quand la valeur ISO double, l’exposition résultante aussi car le capteur devient alors deux fois plus sensible à la lumière.
Pratique, mais gare aux effets secondaires des hauts ISO sur la qualité d’image.