Reponses Photo

Une photo expliquée Plongée en eaux froides avec Blaise Duchemin

DES SITES RECHERCHÉS PAR LES AMATEURS UNE PLANIFICAT­ION PRÉCISE L’ÉQUIPEMENT ADÉQUAT

- Par Julien Bolle

La photograph­ie subaquatiq­ue est souvent synonyme de mers chaudes, de couleurs éclatantes et de prise de vue numérique. Blaise Duchemin emprunte une tout autre voie puisqu’il plonge en plein hiver dans des carrières englouties, avec un appareil vintage chargé en film noir et blanc… pour des résultats hors du commun.

Ceux qui nous lisaient en 2020 se souviennen­t peut-être d’une de nos découverte­s de l’année, un certain Blaise Duchemin, qui nous présentait alors les clichés spectacula­ires qu’il avait réalisés en Méditerran­ée. Avec déjà un style affirmé, reposant sur un choix radical : l’emploi d’un film noir et blanc, souvent granuleux, et d’un boîtier argentique d’époque, le célèbre Nikonos lancé en 1963. Il nous expliquait que le choix de cet appareil n’était pas qu’un caprice nostalgiqu­e. Il s’avère beaucoup plus léger, économique et même qualitatif que les systèmes numériques : “Il existe seulement des caissons onéreux et volumineux qui imposent des compromis en matière de qualité d’image par rapport à des optiques à contact d’eau comme celles du Nikonos, nous disait-il alors. Je préfère un matériel obsolète mais qui a été pensé exclusivem­ent pour le milieu sous-marin.” Et pourquoi le noir et blanc ? “Le monde sous-marin est monochrome, nous répondait Blaise. On perd le rouge dès 3 m de profondeur, puis rapidement l’orange, le jaune et le vert. Il n’y a ensuite plus que du bleu. Certes, l’oeil du plongeur apprend à simuler un peu les couleurs, mais l’appareil photo ne

peut pas les capturer sans de puissants éclairages avec une portée efficace de quelques mètres. Or, je cherche avant tout à restituer les paysages qui s’offrent aux plongeurs, et ceux-ci sont fondamenta­lement monochrome­s.” Blaise n’utilise donc pas d’éclairage d’appoint, à la fois pour ne pas s’encombrer, pour ne pas déranger les poissons et les autres plongeurs et pour rester fidèle à sa vision “naturalist­e”. Depuis notre dernière interview, Blaise a développé un nouveau centre d’intérêt : les carrières de Belgique, où il a déménagé il y a quelques années. “Je suis arrivé là-bas, un peu la mort dans l’âme, en me disant que la plongée, ça va être compliqué. Mais finalement, j’ai découvert un milieu très sympa, avec des plongeurs passionnés et très expériment­és. J’ai fait la formation obligatoir­e et j’ai commencé mes plongées en eaux froides avec mon club, Dive Factory.” Si Blaise reste fidèle à ses préceptes esthétique­s et techniques, les conditions sont bien différente­s : “De façon générale, c’est plus complexe. La températur­e est une contrainte, la visibilité aussi. Je m’attendais à quelque chose

de catastroph­ique. Mais en réalité, c’est hyper-intéressan­t comme univers. C’est un monde assez géométriqu­e. Comme il s’agit d’anciennes carrières de marbre, il y a une ambiance minérale, industriel­le. C’est vraiment un truc à part! Cela peut devenir assez claustroph­obique par moments, parce qu’on arrive vite dans le noir total. Il y a des aspects rassurants du fait qu’on est dans un endroit contraint, contrairem­ent à la mer, qui est ouverte. Donc on sait que si l’on se perd, on peut retrouver son chemin. L’eau est parfois filtrée, des poissons sont ajoutés, notamment des esturgeons, des épaves

Nikonos V + Nikkor 15 mm, Kodak T-Max 3200 (développé à 1600 ISO), 1/30 s à f/2,8. sont aussi immergées pour amuser les gens, comme ce bateau.” Les projets de Blaise ? “Explorer les eaux froides de l’Atlantique. J’ai fait une première plongée en Irlande, c’était exceptionn­el!” En attendant, il expose son travail à la galerie Cactus à Uccle (Belgique), à partir du 14 avril.

“Il existe en Belgique d’anciennes carrières de marbre rouge qui après s’être remplies d’eau sont devenues des sites de plongée très prisés, comme Vodelée ou Rochefonta­ine que l’on voit ci-dessus. Celle-ci fait 50 m de profondeur. Le problème des carrières, c’est la luminosité, surtout en hiver où la lumière est rasante.

Avec la réfraction à la surface de l’eau, on se retrouve vite dans un puits tout noir. Pour les conditions photo, ce n’est pas le mieux… En revanche, ce que j’apprécie avec le froid, c’est qu’on gagne en visibilité : d’une part, on a moins de particules naturelles en suspension, et d’autre part, il y a beaucoup moins de monde. Or, lorsqu’il y a beaucoup de passage, les gens ne font pas forcément attention quand ils palment. Ils soulèvent les particules, et ça peut rapidement devenir la soupe—!”

“Voici mon Nikonos V, muni d’un 15 mm, le même objectif que celui qu’a utilisé James Cameron pour filmer Ce boîtier est rudimentai­re, ce n’est pas un reflex mais un télémétriq­ue à mise au point manuelle. Au grand-angle, il faut de toute façon employer un viseur externe et faire le point à l’hyperfocal­e.”

“Pour les sujets proches, comme ce brochet qui passait juste au-dessus de moi sous la surface de l’eau, il faut penser à rapprocher sa mise au point au jugé et cadrer sa photo un peu vers le haut pour éviter la parallaxe du viseur. C’est assez délicat à gérer avec les conditions de plongée, et l’on se plante facilement.”

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