Le principe : une histoire de monture
Plutôt que le terme de “bague d’adaptation” qui sied à de nombreux accessoires comme ceux permettant d’associer des filtres vissants de grandes dimensions à des objectifs de plus petit diamètre, on devrait utiliser celui de “bague d’adaptation de monture”. Car à l’origine résident les différents systèmes de fixation entre objectifs et appareils photo appelés “montures”. Cette interface mécanique à laquelle se sont ajoutées dans le temps des connexions électriques est composée d’une partie mâle, côté objectif, et d’une partie femelle, côté boîtier, qui s’emboîtent à la perfection. Si aujourd’hui, tous les appareils du marché exploitent une fixation à baïonnette qui consiste à insérer l’objectif dans le boîtier et à opérer une rotation de quelques degrés jusqu’à entendre un clic, l’Histoire a tout d’abord vu naître des systèmes dits “breech lock” avec serrage par une bague rotative comme pour les montures Canon FL et FD et des montures à vis. La M42, de 42 mm de diamètre, n’ayant pas été brevetée, elle sera d’ailleurs massivement adoptée avant d’être remplacée, pour des questions d’usure et de lenteur de manipulation, par les montures à baïonnette. La première fut inventée par Zeiss juste avant la Seconde Guerre mondiale, mais c’est à partir du milieu des années 1950 et dans les années 1960 et 1970 qu’elle se généralisera et se diversifiera en s’adaptant aux dimensions, mécanismes et protocoles de communication propres à chaque marque. Cette monture est devenue tellement importante qu’elle donnera son nom aux gammes d’appareils qui les exploitent comme les Leica M, les Nikon F, les Pentax K ou encore plus récemment les Fujifilm X. Outre ces critères physiques, chaque monture correspond à un tirage mécanique, c’est-à-dire que tous les appareils photo équipés d’une même monture affichent une même distance entre la bague de fixation des objectifs et le film (en argentique) ou le capteur (en numérique). Tous les objectifs pensés pour cette monture sont quant à eux conçus pour que leur tirage optique – la distance qui sépare leur dernière lentille du foyer image – coïncide avec le tirage mécanique des appareils. Ceci explique pourquoi, lorsque les fabricants ont continué d’exploiter la même monture, les objectifs utilisés en argentique sont restés compatibles avec les reflex numériques : le type de fixation était le même, mais en plus le film et le capteur se trouvaient à même distance de la monture, permettant de produire des images nettes avec les mêmes objectifs. Néanmoins, déjà à l’époque, des bagues d’adaptation étaient disponibles pour associer des objectifs et des boîtiers de montures différentes, à condition
Monture
Diamètre interne (mm)
Tirage mécanique (mm)
EF 54 44
A49,7 44,5
F44 46,5
K47,6 45,46
une bague, la LA-EA5 (300 €), permettant d’adapter ses objectifs de reflex en monture A vers ses hybrides en monture E, tandis que Sigma a étoffé son catalogue de bagues à destination de sa monture hybride L qu’elle partage avec Leica et Panasonic. Sans que Nikon ait adopté la même stratégie d’ouverture totale, la marque s’est peu à peu associée à d’autres sociétés. Si bien qu’outre des objectifs compatibles chez Tamron ou Sigma, on trouve des bagues d’adaptation avec connecteurs électriques chez Megadap, qui, avec l’ETZ21 Pro (300 €), propose de monter des objectifs en monture Sony E sur des hybrides en monture Z (la différence de tirage entre les deux systèmes est de 2 mm), ou chez Techart, qui, en plus de la
TZE-02 permettant la même association, commercialise la bague TZC-01 faisant la jonction entre les objectifs en monture Canon EF et les hybrides Nikon Z. S’y ajoute évidemment la bague FTZ II (300 €) fournie par Nikon pour monter ses objectifs en monture F sur ses hybrides Z.
Des bagues plus limitées
Du côté de Canon, la politique n’est en revanche pas à l’ouverture ou au partenariat : seules ses bagues maison permettent de monter des objectifs EF sur des hybrides R tout en conservant les automatismes de mise au point et de fermeture du diaphragme. Mais alors, que font les nombreuses autres bagues disponibles sur le marché? Dépourvues de connecteurs électriques, elles assurent la fixation et la mise à bonne distance des objectifs mais pas la transmission des données Exif relatives à l’objectif ni, surtout, le fonctionnement de l’autofocus (qui repose sur le déplacement des lentilles par des moteurs intégrés aux objectifs). Pire encore, elles ne permettent pas la fermeture du diaphragme avec un objectif moderne équipé d’un diaphragme électromagnétique. Ce type de bague condamne donc les utilisateurs à ne photographier qu’à pleine ouverture ou à la valeur à laquelle l’objectif se trouve lorsqu’il est déconnecté d’un appareil. Contraignantes, ces bagues sont en revanche très utiles pour qui souhaite monter d’anciens objectifs avec diaphragme mécanique et n’a
que faire d’employer l’autofocus puisque l’objectif en est dépourvu. Ces bagues sont disponibles chez de nombreux fabricants et ont notamment fait la réputation de l’allemand Novoflex concernant la qualité de fabrication. L’autre point essentiel au sujet de la disponibilité des bagues d’adaptation relève d’une réalité commerciale, car quel intérêt Canon, Nikon ou Sony auraient-ils de vous permettre d’utiliser des objectifs d’une autre marque ou de monter leurs objectifs sur un boîtier qui ne sort pas de leurs usines? Pour ces raisons, les bagues dotées de connecteurs électriques sont finalement peu nombreuses sur le marché, ce qui n’empêche pas les fabricants d’accessoires d’être créatifs. Pour accompagner son EOS R, Canon a par exemple sorti trois bagues différentes, l’une classique, l’autre équipée d’une bague de réglage personnalisable depuis l’appareil et la troisième pourvue d’un porte-filtre insérable, tandis que sa bague EF-EOS M, sortie pour sa gamme d’hybrides APS-C, s’est enrichie d’une fixation pour trépied amovible. Si ces bagues restent le plus souvent optiquement neutres, certains modèles possèdent en plus une ou plusieurs lentilles qui modifient les spécifications de l’objectif. Des sociétés comme Laowa, Viltrox ou Metabones s’illustrent particulièrement sur ce créneau avec, notamment, leurs bagues Speed Booster. Équipées de systèmes optiques divergents, elles ont pour effet de réduire la focale de l’objectif et par conséquent d’accroître leur ouverture maximale (elles font exactement l’inverse des téléconvertisseurs) en plus d’assurer la compatibilité entre des objectifs et des appareils de montures différentes. Par exemple, la bague Metabones SPEFX-BT1 (700 € environ), destinée à associer des objectifs Canon EF à des hybrides
Fujifilm X, diminue la focale des objectifs d’un facteur de 0,71×, ce qui limite le recadrage opéré par le capteur APS-C des boîtiers Fujifilm en monture X à un facteur de 1,07×, contre 1,5× en temps normal, tout en augmentant l’ouverture maximale d’une valeur de diaphragme (la focale étant réduite de 0,71× mais la taille de la pupille d’entrée restant la même, logiquement, le nombre d’ouverture – qui correspond à la focale divisée par le diamètre d’ouverture – baisse lui aussi d’un facteur de 0,71×, soit une valeur de diaphragme). Un objectif ouvrant à f/2,8 devient donc un objectif ouvrant à f/2.
Cercle d’image élargi
Dotées d’un module optique aux spécifications similaires, les bagues Viltrox EF-EOS M2 (150 €) et EF-Z2 (210 €) réduisent également la focale d’un facteur de 0,71× en augmentant l’ouverture d’un sont optiquement neutres et qu’elles ne modifient donc pas les qualités optiques de votre objectif, cela ne signifie pas pour autant que toutes se valent. Leur revêtement intérieur doit absorber les réflexions pour prévenir le flare et les images fantômes, et leur fabrication doit reposer sur des matériaux stables et robustes pour éviter qu’elles n’endommagent la monture de votre objectif ou de votre appareil, voire des deux. Sans quoi l’économie que
diaphragme. Mais elles permettent cette fois de monter des objectifs en monture Canon EF sur des hybrides en montures Canon EF-M pour la première et Nikon Z pour la seconde. Quant aux bagues Metabones Smart Expander EPEF-FG-BT1 (850 €) ou Laowa MFC Magic Format Converter (410 €), elles accroissent le champ de couverture des objectifs 24×36 de sorte qu’ils couvrent les capteurs moyen format des hybrides Fujifilm GFX. La bague Metabones, conçue pour les objectifs en monture Canon EF, est dotée de connecteurs électriques et affiche un facteur de conversion de 1,26× qui conduit à une légère perte d’angle de champ et d’ouverture de 2/3 IL. Un 24-70 mm f/2,8 devient donc un équivalent 30-88 mm f/3,5 une fois monté sur un Fujifilm GFX. La bague Laowa est quant à elle dépourvue de connecteurs, mais son coefficient est de 1,4× et elle est disponible pour deux vous pensiez réaliser pourrait se transformer en une dépense potentiellement importante en SAV… Songez également que si vous associez un objectif et un appareil protégés contre les poussières et les ruissellements d’eau à une bague dépourvue de joints d’étanchéité, elle deviendra le talon d’Achille de votre équipement. Cela vaut pour les bagues mécaniques mais aussi pour celles dotées de connecteurs électriques. Elles non plus ne montures d’objectif : Canon EF et Nikon F. Outre la modification d’angle de champ ou de champ de couverture, certaines bagues peuvent également offrir des mouvements optiques supplémentaires. La bague Laowa Magic Shift Converter, disponible pour des objectifs en monture Canon EF ou Nikon F et des appareils en montures Canon R, Nikon Z ou Sony E (entre 390 et 410 €), élargit le cercle d’image d’un coefficient de 1,4× moyennant une perte d’angle de champ (un 12 mm f/2,8 devient un 17 mm f/4) tout en donnant une amplitude de décentrement de plus ou moins 10 mm. La version Nikon dispose en outre d’une bague de contrôle des ouvertures autorisant le réglage du diaphragme sur les objectifs G de la marque. Chez Kipon, les bagues Shift Adapters (340 €), toutes dépourvues de connexions électriques et disponibles en versions Canon EF vers Fujifilm X, Canon EF-S vers Sony E, modifieront pas les performances optiques de vos objectifs, mais elles pourraient en revanche entraîner des problèmes de communication entre votre appareil et votre objectif et ne pas offrir un fonctionnement fluide de tous leurs automatismes. C’est pourquoi il est important de se référer à la fiche technique des bagues pour consulter leur degré de compatibilité. Il est fréquent, surtout avec des bagues de fabricants tiers, que certains objectifs ne soient pas
Canon EF vers Fujifilm GFX ou Canon EF vers micro 4/3, offrent elles aussi des mouvements de décentrement, tandis que les T&S – Tilt and Shift (entre 180 et 460 €) – y ajoutent un mouvement de bascule. Ces modèles étant privés de bloc optique, ils sont évidemment destinés à adapter des objectifs conçus pour de plus grands capteurs que ceux des appareils sur lesquels on les monte afin de disposer d’une bonne amplitude de mouvement sans vignetage. Citons pour finir deux bagues assez atypiques avec les Techart Pro Leica M – Nikon Z II (TZM-02) et Leica M – Sony E (LM-EA9) à 500 € environ, qui, en intégrant quatre moteurs pour faire varier son épaisseur et donc la distance entre l’objectif et le capteur des appareils, offre aux objectifs à mise au point manuelle Leica M une compatibilité avec l’autofocus des hybrides en monture Nikon Z ou Sony E. compatibles avec l’autofocus en continu, par exemple. Enfin, songez que les bagues équipées de lentilles qui opèrent une modification des rayons lumineux peuvent, comme les objectifs, les téléconvertisseurs ou les filtres optiques, être responsables d’une perte de qualité d’image.
Celle de leur verre et du traitement antireflet appliqué à leurs lentilles est essentielle mais n’empêche pas qu’une légère baisse de piqué ou d’homogénéité se produise.