ANDRÉA HOLZHERR
Après ses études en histoire de l’art et management culturel à l’École du Louvre puis à la Sorbonne, Andréa Holzherr travaille pour différentes galeries et devient, à la fin des années 1990, l’adjointe du directeur de la Maison européenne de la photograph
Quand vous êtes-vous intéressée à la photographie?
En 1984, deux semaines après le bac, je suis arrivée d’Allemagne en France comme fille au pair. La famille chez qui je vivais avait un magasin de photos depuis plusieurs générations et une collection d’anciens appareils. C’étaient aussi les débuts du Mois de la photo à Paris. Il y avait quelque chose de totalement nouveau, de très jeune, et je voulais faire des études en histoire de l’art. Je passais beaucoup de temps dans les musées. C’est à ce moment que j’ai été en contact avec la photographie professionnelle et artistique pour la première fois et que je me suis passionnée pour la photographie.
En quoi consiste votre travail chez Magnum Photos?
À promouvoir le travail de nos photographes et à les mettre en lien avec les institutions culturelles internationales à travers des expositions, mais aussi en organisant des interventions plus éducatives, comme le partenariat que j’ai créé avec l’école de photographie Spéos.
Qu’est-ce qui vous plaît dans votre métier?
Suivre les artistes. J’aime cette relation, voir comment les photographes évoluent de série en série. Dans le milieu muséal institutionnel, on est très lié à eux pendant la durée d’une exposition, mais après, c’est terminé. Dans l’agence, j’ai trouvé une combinaison très intéressante où je suis très proche des photographes. Je peux les suivre sur du très long terme. Et à côté, je monte aussi des expos et je promeus leur travail comme une galeriste. C’est très polyvalent.
Comment présenteriez-vous l’agence Magnum Photos?
Clément Chéroux avait posé cette question dans le livre et l’exposition Magnum Manifeste – sortis en 2017 pour le 70e anniversaire de l’agence. Qu’est-ce que c’est,
Magnum? Plus on demande, plus on a de réponses et aucune n’est la même! (Rires.) Magnum Photos est une coopérative. Ce sont les photographes qui sont les propriétaires. Nous, le “staff ”, nous travaillons pour eux. Aujourd’hui, il y a une soixantaine de membres, beaucoup de nominés et un important fonds photographique. Nous avons un très grand panel de photographes avec des approches très différentes. C’est complexe mais c’est aussi ce qui fait notre richesse. Nos photographes ont toujours su évoluer avec leur médium et c’est pourquoi Magnum est toujours là.
Sur quoi travaillez-vous actuellement ?
Il y a plein de choses, mais la grande actualité du moment, c’est que nous avons la chance de nous voir confier, pour une exposition, une importante collection de photographies vintage de Robert Capa. Cette exposition marquera les 80 ans du débarquement et le 70e anniversaire de la mort du photographe. Nous avons agrémenté cette collection avec nos propres archives et j’ai demandé à Michel Lefèbvre, le grand expert de Capa, de s’occuper du commissariat. L’exposition sera inaugurée aux Franciscaines de Deauville le 25 mai prochain.
Qu’est-ce qui est le plus difficile dans votre métier?
D’arriver à contenter tout le monde. Nous ne sommes pas toujours décideurs. Les demandes et les souhaits des photographes sont très personnels et lorsque l’on présente des projets aux institutions, ce sont elles qui s’engagent, pas nous! C’est parfois très frustrant, et parfois très jouissif, quand on réussit!
Comment voyez-vous l’évolution de Magnum dans les années à venir?
Un des grands enjeux, c’est bien évidemment l’intelligence artificielle. Les photographes de Magnum Photos ont un groupe de travail autour de ce sujet depuis 2023. Il y a chez nous des débats, des questionnements… Ces échanges sur l’évolution de la photo sont salutaires pour l’agence. En ce qui concerne notre structure, Magnum Photos doit aussi continuer à nommer de jeunes photographes et à maintenir la ligne de diversification que les membres ont entreprise il y a de ça quelques années.
Selon vous, quelle est la chose la plus importante dans une exposition photo?
C’est le storytelling! C’est ce que le ou la photographe veut raconter et qu’il faut présenter de façon cohérente.
Le livre de photos qu’il faut avoir absolument?
La collection des “Photo Poche” (créée en 1982 par Robert Delpire, NDLR) ! Quand j’étais étudiante, je n’avais pas beaucoup d’argent et cette collection était très abordable. Elle m’a permis de rencontrer plein de regards différents, plein de photographes que je ne connaissais pas. C’était pour moi le sésame qui m’a ouverte à la culture photographique dans toute sa diversité.
La dernière photographie qui vous a émue?
J’étais chez ma soeur en Angleterre il y a peu de temps, et mon neveu de 10 ans est venu me voir pour me dire qu’à l’école il révisait le Blitz (bombardements durant la Seconde Guerre mondiale menés par l’aviation allemande contre le Royaume-Uni, NDLR). Je lui ai demandé s’il avait vu des photos sur le sujet et il m’a répondu que non. Alors je suis allée sur le site de Magnum pour lui montrer les photos de George Rodger. Une photo présentait un petit garçon anglais de 5 ans avec un casque sur la tête. Il était dans la rue avec sa petite soeur dans un landau. Ils avaient l’air tellement fragiles, tous les deux… Nous avons longtemps regardé cette photographie ensemble en nous demandant ce qu’était devenu ce petit garçon. C’était émouvant.