QUAND LE SALARIÉ NE PEUT PLUS CONDUIRE
Véhicule saisi, permis retiré… Comment réagir lorsque certains salariés itinérants ne peuvent plus exercer leurs fonctions ? Zoom sur deux a aires récentes.
VÉHICULE PERSONNEL SAISI
UN DISTRIBUTEUR PRIVÉ DE VOITURE. Un salarié engagé comme distributeur de produits ne pouvait plus e ectuer ses tournées, son véhicule personnel ayant été saisi. Or, son contrat de travail prévoyait expressément qu’il devait utiliser sa voiture pour travailler et qu’il s’agissait là d’un élément essentiel sans lequel le contrat serait suspendu puis rompu si cette suspension durait plus d’un mois. L’employeur l’avait a ecté à d’autres tâches avant de suspendre complètement son contrat, puis, la situation se prolongeant pendant plusieurs mois, il l’avait licencié pour motif personnel.
LICENCIEMENT JUSTIFIÉ. Ce licenciement a été jugé justi é, car le salarié avait « manqué aux obligations résultant de son contrat de travail, qui lui imposait de disposer d’un véhicule » et « ce manquement rendait impossible la poursuite de ce contrat ».
Pour la petite histoire, le salarié n’a pas non plus obtenu de rappel de salaire pour la période non travaillée avant son licenciement. En e et, il était dans l’impossibilité complète de fournir sa prestation de travail, sa voiture ayant été saisie. En outre, aucune disposition (légale, conventionnelle ou contractuelle) n’imposait à l’employeur de maintenir son salaire. En somme, « pas de travail, pas de salaire » (cass. soc. 28 novembre 2018, n° 17-15379).
PERMIS DE CONDUIRE SUSPENDU
UN CHAUFFEUR ROUTIER PRIVÉ DE PERMIS. Pendant ses congés, un conducteur routier s’était vu suspendre son permis
Ide conduire pour 3 mois car il était ivre au volant de son véhicule personnel. Il avait été licencié pour faute grave. Le chau eur a saisi les juges.
Selon l’employeur, ce licenciement faisait suite à de multiples incidents causés par ce salarié au volant du camion mis à sa disposition et à plusieurs infractions au code de la route dans l’exercice de ses fonctions, pour lesquels il avait été sanctionné. Le licenciement était motivé par l’existence d’un comportement dangereux persistant du salarié dans la conduite de véhicules routiers de nature à caractériser la faute grave.
LICENCIEMENT PAS AUTOMATIQUE. Mais les juges n’ont pas été sensibles à l’argumentation de l’employeur. Ils rappellent un principe fondamental : l’employeur ne peut pas licencier pour faute un salarié au motif qu’il s’est vu retirer son permis de conduire à la suite d’une infraction commise en dehors de son temps de travail. Il s’agit là d’un motif tiré de la vie personnelle, qui, à ce titre, ne peut pas justi er un licenciement disciplinaire.
Tel était le cas ici. Le licenciement prononcé pour faute grave était donc infondé (cass. soc. 24 octobre 2018, n° 17-16099).
UNE ÉCHAPPATOIRE ? Dans ce type de situation, l’employeur peut licencier le salarié, pour un motif non disciplinaire, à condition que la perte de son permis crée un trouble objectif dans le fonctionnement de l’entreprise. Encore faut-il qu’il puisse démontrer ce trouble, et qu’il l’invoque expressément dans la lettre de licenciement, et non pas seulement une fois devant les juges.