Crise sanitaire et loyers commerciaux
Pour aider les entreprises obligées de fermer ou de restreindre leur activité en raison d’une mesure administrative, la loi a temporairement rétabli plusieurs mesures instaurées pendant le premier confinement.
Juste des reports de paiement
Lors du premier con nement, le gouvernement a soutenu les TPE les plus fragiles dont l’activité réduite ou complètement à l’arrêt ne générait plus assez de chi re d’a aires pour leur permettre de payer ce qu’elles devaient à leurs bailleurs (voir Rfconseil 329, p. 12). La loi du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire met en place des mesures du même ordre au béné ce de certaines entreprises. À savoir. Sont avant tout concernés les établissements recevant habituellement du public et ayant eu l’obligation de fermer en raison du deuxième con nement. À l’heure où nous écrivons, on ignore cependant encore quelles seront précisément cette fois-ci les béné ciaires de ces mesures de faveur, notamment les seuils d’e ectifs et de chi re d’a aires à ne pas dépasser ainsi que le seuil de perte de chi re d’affaires constatée du fait de la mesure administrative.
Pour autant, le gouvernement ne peut priver les propriétaires privés concernés des revenus fonciers correspondants aux loyers et charges locatives en question. D’autant que,
pour certains petits propriétaires, ces loyers constituent quasiment l’unique source de revenus. Le gouvernement a toutefois instauré des avantages scaux destinés à inciter les bailleurs privés d’entreprises, qui en ont les moyens, à leur consentir des abandons dé nitifs de loyers (voir p. 18).
La même solution que lors du premier con nement a donc été adoptée : permettre aux locataires d’arrêter temporairement de régler la totalité de leur loyer et charges locatives, en échappant aux sanctions qu’ils auraient normalement dû encourir pendant ce temps en cas d’impayés (voir ci-après).
Les loyers et charges concernés
Peut être reporté le paiement des loyers et charges locatives dus pour la période au cours de laquelle l’activité de l’entreprise est a ectée par une mesure de police. En pratique, le dispositif s’applique, rétroactivement, depuis le 17 octobre 2020 et jusqu’à l’expiration d’un délai de 2 mois à compter de la date à laquelle l’activité de l’entreprise concernée cessera d’être a ectée par une mesure administrative.
À noter. Aucune mesure spéci que de cette nature n’est prévue concernant les primes d’assurance attachées à des locaux commerciaux ou professionnels.
Gel des sanctions
LES SANCTIONS CONCERNÉES. Les entreprises qui ne parviennent pas à honorer les loyers et charges locatives exigibles pendant la période concernée ne risquent pas d’encourir d’intérêts, de pénalités ou toute mesure nancière ou de subir toute action, sanction ou voie d’exécution forcée à leur encontre pour retard ou non-paiement des loyers ou charges locatives a érents à leurs locaux professionnels ou commerciaux. Attention. Des intérêts ou pénalités nancières pourraient être calculés à compter de l’expiration de la période mentionnée ci-dessus et ensuite être dus par le locataire s’il n’est alors toujours pas en mesure de payer ce qu’il doit au bailleur.
De plus, pendant cette même période, les sûretés réelles (ex. : hypothèque) et personnelles (ex. : caution) garantissant le paiement des loyers et charges locatives concernés ne peuvent être mises en oeuvre et le bailleur ne peut pratiquer de mesures conservatoires (ex. : saisie).
Privés de ces outils, les bailleurs sont, de fait, contraints d’accorder des reports de paiement à leurs locataires.
LES PROCÉDURES DÉJÀ EN COURS. De la même manière, les procédures d’exécution qui auraient été engagées durant cette période par le bailleur à l’encontre du locataire pour non-paiement de loyers ou de charges locatives exigibles sont suspendues.
UN DISPOSITIF OBLIGATOIRE. Toute stipulation contraire à ce dispositif, notamment toute clause résolutoire dans le bail ou prévoyant une déchéance en raison du non-paiement ou retard de paiement de loyers ou charges, est réputée n’avoir jamais existé.
Une exception : la compensation de créances
Le gel des sanctions mis en place par le dispositif ne fait pas obstacle au paiement du loyer et des charges par voie de compensation.
Autrement dit, si le bailleur doit une somme au locataire, il peut considérer que sa dette est payée à hauteur des loyers et charges impayés du locataire.
À savoir. Cette exception ne gurait pas dans les mesures prises au printemps à l’occasion du premier con nement. Elle fait suite à une décision de justice rendue en faveur d’un bailleur par le tribunal judiciaire de Paris le 10 juillet 2020.
Pas d’annulation de loyers
Les mesures temporaires spéci ques exposées ci-avant ne permettent en aucun cas des annulations de loyers.
À noter. Lors du premier con nement, certains bailleurs publics avaient par ailleurs, de leur côté, décidé de renoncer à percevoir une partie des loyers qui leur étaient dus par des entreprises (ex. : re
mise gracieuse d’un trimestre de loyers par L’ANCT à des commerces situés dans des quartiers prioritaires de la ville). De même, ponctuellement, s’agissant de redevances d’occupation du domaine public. Pour l’instant, nous n’avons pas eu connaissance de telles remises de loyers lors du second con nement.
ENVISAGER D'AUTRES ARGUMENTS. Pour refuser de payer leur bailleur, les locataires pourraient, selon les circonstances, tenter d’invoquer la force majeure ou l’exception d’inexécution.
Pour autant, la validité de ces arguments n’est pas garantie eu égard à la nouveauté de la situation et il serait hasardeux d’anticiper, avec certitude, les décisions de justice qui seront prises à ce sujet. Et, en pratique, il faudra éventuellement faire face à un contentieux long et coûteux.
À noter. On peut signaler deux décisions du tribunal judiciaire de Paris du 26 octobre 2020 à propos de loyers du deuxième trimestre 2020 dus par une salle de sport et une parapharmacie (TJ Paris, réf. nos 20/53713 et 22/5590). Attention, dans les deux cas, il ne s’agit absolument pas de décisions dé nitives mais seulement d’ordonnances de référé qui ne tranchent pas une fois pour toutes le fond du litige. Au vu des circonstances propres à chaque a aire, les juges ont écarté la demande du bailleur en considérant qu’elle était, à ce stade de la procédure, sérieusement contestable. Ils se sont appuyés sur le principe général selon lequel un contrat doit être exécuté de bonne foi ; selon eux, les circonstances exceptionnelles liées à la crise sanitaire auraient peut-être dû conduire le bailleur à adapter ses exigences quant aux loyers réclamés. Or, en ne le faisant pas, il n’a peut-être pas exécuté le bail de bonne foi. Ce qui amène les juges à considérer que l’exception d’inexécution invoquée par le locataire méritait d’être étudiée. A aires à suivre…
SE TOURNER VERS LA MÉDIATION. D’une façon plus générale, concernant les di cultés de paiement des loyers commerciaux, le recours au règlement amiable par la médiation a d’ores et déjà été encouragé par le ministère de l’économie, ce qui avait d’ailleurs notamment donné lieu à la rédaction d’une « Charte de la médiation » o cielle, accord-cadre non contraignant envers les bailleurs et locataires (voir Rfconseil 331, p. 14).
Est aussi préconisé le recours à des modes non contentieux de règlement des litiges : Médiateur des entreprises et commissions départementales de conciliation des baux commerciaux.