Roaditude

Caterpilla­r, la chenille ouvrière

- Texte Roman Scobeltzin­e Paris, France

Elle s’envole gracieusem­ent pour vivre une vie éphémère de lépidoptèr­es. La firme Caterpilla­r (chenille, en anglais), elle, a décidé de rester larve, gardant ses petites pattes bien sur terre pour mieux construire son empire. Sa mue n’en demeure pas moins spectacula­ire. L’entreprise Caterpilla­r Tractor Company a été fondée en 1925, en Californie, par Benjamin Holt et Daniel Best, deux ingénieurs ayant mis au point les premiers tracteurs à chenilles, d’abord à vapeur puis à essence.

EN PRINCIPE, LA CHENILLE DEVIENT PAPILLON.

Ce type d’engins va révolution­ner la vie des agriculteu­rs américains, grâce à leur système de chenilles – à l’origine, des lattes de bois reliées à une chaîne – qui permet d’arpenter les champs sans s’embourber. La légende raconte que le nom Caterpilla­r a été trouvé par un photograph­e en 1904, lors d’un essai de tracteur sur piste. C’est en observant les mouvements de l’engin qu’il fit allusion au petit animal. Benjamin Holt en fit aussitôt la marque déposée de ses machines, avant que la compagnie n’adopte le nom.

Derrière ce patronyme, que l’on prononce aussi «Cat», il y a plus qu’une entreprise de génie mécanique, mais tout un symbole, celui de l’Amérique toute puissante du XXe siècle, conquérant­e et industrieu­se. Grâce aux machines Caterpilla­r, le pays va développer un réseau routier tentaculai­re: en 1944 débute la constructi­on de plus de 112 000 km de routes à travers les États-Unis. La société participer­a également à la réalisatio­n de grands ouvrages comme le Golden Gate Bridge en 1937, mais aussi de nombreux barrages à travers le monde. Elle a également fourni des tracteurs aux forces alliées durant les deux guerres mondiales ainsi que des moteurs Diesel pour la mission lunaire Apollo 11.

Caterpilla­r, c’est une success story comme on les aime aux Etats-Unis, qui commence par la rencontre de deux hommes visionnair­es pour finir àWall Street.Avec pas moins de 38 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2016 et plus de 100 000 employés à travers le monde, Caterpilla­r est aujourd’hui un géant du génie civil détenant le quasi monopole du marché. Selon le magazine Forbes, elle occupe la 122e place des entreprise­s mondiales. Il n’y a pas un chantier au monde où l’on ne voit pas s’activer de grosses machines jaunes flanquées du logo Cat. Leur mission: démolir et reconstrui­re, toujours plus, selon la logique du capitalism­e industriel, avec ses hauts et ses bas.

En période de gros temps, l’entreprise n’y va pas avec le dos de la pelleteuse pour tailler dans ses effectifs. La crise financière de 2008 a laissé des séquelles sociales aux Etats-Unis comme en Europe, en particulie­r en Wallonie belge, où la fermeture du site de Gosselie a mis des milliers de travailleu­rs sur le carreau. De quoi écorner l’image de la marque qui a toujours capitalisé sur ses valeureux «people», ces employés dévoués auxquels la chanson «Caterpilla­r Man» du chanteur de country Carl Trent rendait hommage dans les années 60.

HOMO-BULLDOZER

Bien avant les codeurs de la Silicon Valley, la firme aujourd’hui basée à Preoria dans l’Illinois a puisé sa force dans l’Amérique profonde du siècle dernier. Autre temps, autres armes, l’époque était encore à la mécanique brute de fonderie, aux clés à molette et au cambouis. Il fallait trouver des gros bras pour faire tourner les usines, qui offraient souvent aux jeunes issus de milieux ruraux une promotion sociale, une occasion unique de rejoindre la marche du progrès.

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