Roaditude

Sur les pavés, la Tremola

- Texte Laurent Missbauer Pont-la-Ville, Suisse

«C’EST PAR LE GOTHARD QUE LA SUISSE EXISTE. SANS LUI, LES WALDSTÄTTE­N SERAIENT RESTÉS UN PAYS FERMÉ,

pauvre et par conséquent vulnérable. Le Gothard a débloqué le verrou. Il a porté dans nos vallées des biens, des personnes, des idées…» Tels ont été quelques-uns des propos tenus le 1er août 1989 par le conseiller fédéral Jean-Pascal Delamuraz, président cette année-là de la Confédérat­ion helvétique. Oui, le Gothard, qu’il s’agisse de ses tunnels ou de la route de la Tremola que nous vous présentons dans ce numéro de Roaditude, est indissocia­ble du mythe fondateur de la Suisse. Pour certains de nos lecteurs, il est également indissocia­ble du plaisir de conduire dans un magnifique environnem­ent alpin. La route pavée de la Tremola constitue, en effet, la cerise sur un gâteau qui comprend les cols du Susten, du Grimsel, de la Furka, du Nufenen, du Lukmanier et de l’Oberalp.

24 VIRAGES

Sur son tronçon le plus spectacula­ire, la Tremola vient à bout de 300 mètres de dénivelé avec 24 virages judicieuse­ment disséminés sur quatre kilomètres. Réalisée entre 1827 et 1832 d’après les plans de l’ingénieur tessinois Francesco Meschini, elle connut un demi-siècle plus tard un destin qui n’est pas sans rappeler celui de la Belle au bois dormant, victime d’un poison qui la condamna à un profond sommeil de 100 ans, période au terme de laquelle le baiser d’un prince viendra la réveiller.

Dans le cas de la Tremola, ce ne fut pas un poison mais l’ouverture en 1882 du tunnel ferroviair­e qui la plongea dans un certain oubli. En effet, pourquoi continuer à escalader le Gothard à dos de mulet ou dans une calèche afin de relier le canton d’Uri à celui du Tessin précité, alors que le train s’acquittait de la même tâche beaucoup plus rapidement ? Contrairem­ent à la princesse du conte, la Tremola ne dut pas attendre 100 ans pour s’extirper de sa torpeur. Celle-ci ne dura que de 1882 aux années 1950, et son réveil ne fut pas provoqué par le baiser d’un prince, mais par l’essor de l’automobile.

Lors des grandes migrations, la chaussée pavée de la Tremola et ses virages en épingle d’un autre temps atteignire­nt rapidement leurs limites. Une nouvelle route, sécurisée par de nombreux tronçons couverts, vit ainsi le jour en 1970 et, dix ans plus tard, un nouveau progrès était à l’ordre du jour avec l’ouverture du tunnel routier. Il était désormais possible de relier Bâle à Chiasso sans quitter l’autoroute. La Tremola ne fut dès lors plus empruntée que par les adeptes de grands espaces, les claustroph­obes, les amateurs de cyclisme et les passionnés de conduite sportive. Ces deux dernières catégories ne sont pas étrangères au fait que la Tremola ait accueilli 37 fois le Tour de Suisse cycliste et 8 fois les concurrent­s du championna­t de Suisse des rallyes, entre 1975 et 1983, année du dernier Rallye du Gothard.

Lors des grandes migrations, la chaussée pavée de la Tremola et ses virages en épingle d’un autre

temps atteignire­nt rapidement leurs limites.

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