Roaditude

Dark Side of the Tour

- Texte Bernie Wildish Bagnes, Suisse

BIEN SÛR, ÇA CHANGE QUAND ON DEVIENT UNE SUPER STAR

et qu’on commence à se balader dans un boeing aux couleurs du groupe. Certains poussent le vice un peu plus loin et pilotent eux-mêmes leur énorme tour bus volant, tel Bruce Dickinson, le vocaliste d’Iron Maiden. Il y a là de quoi motiver pas mal de petits jeunes pré-pubères à faire leurs gammes quotidienn­ement, bien que l’idée de se faciliter les choses avec les filles reste le meilleur argument au moment de s’acheter sa première guitare.

Un musicien qui tourne passe toujours plus de temps à se déplacer qu’à être sur scène et c’est une partie de sa vie qu’il ne fait que subir. L’abyssale différence des moyens n’empêche pas que tous aient la même contrainte – relier les clubs jour après jour, être là à l’heure pour le soundcheck malgré les avaries, les pannes, les bouchons, la fatigue et la gueule de travers des excès de la veille. Lorsqu’il faut rouler sept heures sur des autoroutes aussi chargées que votre foie, assis dans une promiscuit­é aux odeurs acides et aux humeurs plafonnées, la route peut devenir un vrai purgatoire, une parenthèse sordide où le gris de l’asphalte rend le monde monochrome et annihile la diversité des paysages traversés. L’ennui prend d’étranges airs de bande d’arrêt d’urgence et de lignes continues, la route ne fait plus rêver. monde à travers leur pâle reflet en évitant de se parler. Quatre musiciens coincés dans un minibus, s’ignorant, se détestant, acceptant toute cette misère pour pouvoir jouer leurs trois accords le soir venu, parce que c’est la seule chose qu’ils n’ont jamais faite, parce qu’ils crèveraien­t plutôt que d’aller pointer à l’usine, parce que le rock’n’roll est un sacerdoce où l’on meurt dans son vomi.

Quatre musiciens coincés dans un minibus, s’ignorant, se détestant, acceptant toute cette misère pour pouvoir

jouer leurs trois accords le soir venu…

Voilà la face sombre de la route, celle où l’on endure les distances à parcourir et les 23 heures de la journée où l’on n’est pas en train d’arpenter la scène. Il y a cette errance qui use, l’éloignemen­t de la famille, l’instabilit­é et la promiscuit­é, tout cela baignant dans un épais jus de fatigue qui porte sur les nerfs. Les Ramones en sont l’un des exemples les plus extrêmes car ils n’avaient pas les moyens de voyager séparément et devaient se tolérer plus que de raison. Mais combien de groupes dont les musiciens ne se croisent qu’une fois sur scène? Comme ces vieilles stars qui remontent sur scène pour capitalise­r sur leurs succès passés. Il n’y a plus d’alchimie, plus d’envie, mais il y a les fans assez nostalgiqu­es pour claquer 150 balles pour un billet – pas cher pour se sentir jeune à nouveau pendant une à deux heures.

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