Roaditude

LES TROIS CORNICHES ET LE DESTIN DE LA CÔTE D’AZUR

- Texte Illustrati­ons Lisa Melia Nice, France Thierry Dubois Paris, France

SOUS UNE ARCHE DE PINS, LA SUNBEAM ALPINE ROADSTER

file sur la route. À gauche, la paroi rocheuse n’autorise aucun écart. À droite, la Méditerran­ée attend l’imprudent au pied de la falaise. Gants blancs, chevelure blonde dans le vent et sourire mutin sur les lèvres, Grace Kelly serpente sur la corniche avec une élégance nonchalant­e, titillant le vide, tandis que Cary Grant, mains crispées sur les genoux, tente de dissimuler sa nervosité. Grace, Cary et la Grande Corniche. Ce n’est pas un hasard si la scène de La main au collet, d’Alfred Hitchcock, est entrée dans la légende du cinéma et dans celle de la Côte d’Azur, quarante ans avant une autre course-poursuite à couper le souffle, entre James Bond et Xenia Onatopp dans GoldenEye. Peu de routes embrasent les sens autant que la Grande Corniche. « C’est la route la plus romantique du monde, un symbole parfait de cet absolutism­e français qui combine le besoin d’un accès, au luxe et à la frivolité », écrit le quotidien britanniqu­e The Independen­t. Les trois corniches - la Basse, la Moyenne et la Grande - auront inspiré les plus grands metteurs en scène. Elles ont aussi façonné l’histoire et le destin de la Côte d’Azur.

LA GÉNÉRATION PERDUE

« Ce sont d’extraordin­aires décors de cinéma, s’enthousias­me Fabrice Le Roy, qui a créé Rent a classic car, une entreprise permettant de louer des voitures de collection pour sillonner la Côte d’Azur. La main au collet est fondamenta­l, parce que c’est un grand film d’aventure à la mode des années soixante, mais c’était aussi une carte postale, qui a fait découvrir la Côte d’Azur aux Américains. » À tous les Américains, car c’est là que se situe la différence. À l’entre-deux-guerres, la génération perdue des auteurs américains, Hemingway et Fitzgerald en tête de gondole, fréquentai­t déjà la Côte d’Azur, comme l’avait fait l’aristocrat­ie européenne à la Belle Époque, quand elle venait passer l’hiver au soleil de Menton, Nice et Monte Carlo. « Il s’animait un peu en parlant de la Côte d’Azur du début des années trente et de la Grande Corniche qu’il sillonnait au crépuscule en voiture décapotabl­e, aux côtés de Zelda encore brillante et déjà déchaînée », écrivait Jean d’Ormesson à propos de Scott Fitzgerald.

Les trois Corniches - la Basse, la Moyenne et la Grande auront inspiré les plus grands metteurs en scène. Elles ont

aussi façonné l’histoire et le destin de la Côte d’Azur.

À l’époque, la vie n’est que rêve, casino, alcool, créativité, dans l’écrin éblouissan­t de la French Riviera et dont les Corniches sont l’icône. Si l’Amérique a les plus beaux road movies, le Sud-Est de la France a les plus belles routes, semble penser cette génération d’artistes qui passe des nuits entières à s’étourdir dans les virages des Corniches, du crépuscule à l’aube, une pivoine piquée dans les cheveux.

Alfred Hitchcock, en revanche, met la Côte d’Azur à la portée de l’ensemble du public américain. « La main au collet est une enquête policière, mais en même temps, c’est un film d’évasion, de découverte, de voyage, qui fait découvrir la Côte d’Azur, Nice, Monaco, l’arrière-pays au travers des Corniches », précise Fabrice Le Roy. Pour l’amoureux des vieilles automobile­s, les trois Corniches ont participé à transforme­r Nice et sa région en destinatio­n touristiqu­e mondiale, à grand renfort de glamour et de paillettes, révélant au reste de la planète son insolente beauté.

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