Roaditude

Au Monténégro, une route entre deux eaux

- Texte Alexis Malalan Belgrade, Serbie Photograph­ies Ana Danilovic Belgrade, Serbie

IL EST 9 HEURES EN CE DÉBUT DE MATINÉE ENSOLEILLÉ DE

Sur les quais du port de Kotor, un petit groupe de touristes se presse dans le minibus d’une agence de voyages. On y retrouve quelques Serbes, quelques Croates, un Autrichien, des étudiantes ukrainienn­es et un couple russe. On ressent un peu l’excitation des sorties scolaires, et en effet le programme qui attend cette petite équipée a tout pour rappeler nos souvenirs d’enfance : un bus, une route avec vue sur la mer, un parc national et pour finir la visite d’un monument historique. Dans les années 1980, nombreux sont les écoliers yougoslave­s qui ont d’ailleurs partagé les mêmes émotions et vécu cette journée presque à l’identique. La route qui relie la mer au Mont Lovc´en a toujours été un lieu d’excursion privilégié.

FIN D’ÉTÉ.

Le bus démarre dans cette atmosphère bon enfant. Au sortir de la ville, le tracé s’élève doucement à travers la végétation méditerran­éenne et dessine quelques premiers lacets. Le trafic est assez soutenu, camions et autocars sont encore de la partie. Mais au lieu-dit Trojica, il faut tourner à gauche et la route prend soudain un tout autre visage. La chaussée se rétrécit subitement, et commence alors la vertigineu­se serpentine qui a fait la réputation de cet itinéraire. Sur YouTube, il suffit de taper « Kotor Lovc´en » pour voir s’afficher des dizaines de vidéos qui rendent compte de cette impression­nante montée, en voiture, en camping-car ou à moto. La réalité est encore plus saisissant­e. À peine séparés de la falaise par des murets de pierre, les véhicules ont parfois beaucoup de mal à se croiser. Les virages en épingle à cheveux se succèdent rapidement, la pente est parfois très raide. Seuls quelques endroits ont été élargis et aménagés pour servir de parking, coincer une échoppe ou offrir un point de vue.

La route qui relie la mer au Mont Lovc´en a toujours été un lieu d’excursion privilégié.

UN LITTORAL OUVERT À TOUS LES INVESTISSE­MENTS

C’est sur l’un de ces promontoir­es que s’arrête le minibus pour permettre aux passagers d’admirer le paysage et de prendre leurs premières photos. Vingt minutes à peine ont passé, et pourtant on se sent déjà très loin des quais où tout le monde s’était retrouvé ce matin. La vue est imprenable sur les Bouches de Kotor, cette étroite baie reliée à la mer Adriatique qui, avec l’ancienne cité vénitienne dont elle tire son nom, a été classée au patrimoine mondial de l’UNESCO pour sa valeur aussi bien naturelle que culturelle.

Pourtant et malgré l’incroyable beauté du paysage, un bruit soudain rappelle le groupe de touristes à une autre réalité. C’est la sirène du Constellat­ion, le paquebot de la Celebrity Cruise, qui vient tout juste de faire son entrée dans le petit golfe étriqué. Le navire de luxe semble y occuper une place démesurée. Mais à Kotor, ce spectacle n’a rien de surprenant. Rien qu’en 2018, l’office du tourisme local annonçait que plus de 400 mégapaqueb­ots et plus de 500’000 croisiéris­tes allaient débarquer dans cette petite ville tout au long de l’année : c’est presque autant que le nombre d’habitants du Monténégro lui-même !

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