Christophe Meyer
L’expérience de la route ne serait pas ce qu’elle est aujourd’hui sans les réseaux sociaux, notamment Instagram, et les possibilités de création, de partage et de dialogue qu’ils offrent. Voici un compte qui nous a séduit ces dernières semaines: celui de Christophe Meyer, un artiste qui nous vient d’Alsace, et qui considère la route comme le «dernier lieu perspectif». Pensez à utiliser le mot-dièse #roaditude pour partager votre vécu routier avec nous!
Roaditude – Christophe Meyer, quel illustrateur êtes-vous? Pouvez-vous vous présenter pour nos lecteurs? Christophe Meyer – J’ai créé sporadiquement des illustrations, pour des magazines, romans, affiches, pochettes de disque ou enseignes, mais je ne suis pas illustrateur au sens professionnel du terme. Ma plus grande série récente est une collaboration avec le restaurant Cavpona à Strasbourg, où j’ai développé ce que j’appelle un «menuzine», la carte du restaurant se présentant comme un fanzine de menu à partir de dessins, découpages, collages, avec pages à colorier pour les (grands) enfants. Ces éditions faites main, de façon rudimentaire en photocopies de 24 à 28 pages de plusieurs dizaines de numéros, ont hélas été interrompues par les confinements successifs.
Mes illustrations sont plutôt l’accouplement hors nature de mes pulsions graphiques, nourries de ma pratique de la peinture, du dessin et de la gravure, et d’un désir ou de tentatives de communication. L’ensemble de mon travail, parfois brutal, utilise pour peintures et dessins, sacs à café en toile de jute, sacs cabas en papier, et je fais des matrices pour mes gravures à partir d’objets jetés dans les rues, canettes métalliques, bouteilles, disques compact ou vinyles écrasés par les véhicules, quand je ne grave pas sur des palettes de
bois ou meubles de rebut. Les illustrations me permettent de diffuser, hors du champ strict des lieux d’exposition, une énergie graphique que j’exprime de façon centrale.
Sur votre compte Instagram, on décèle un goût prononcé pour les paysages routiers. Qu’est-ce qui vous intéresse dans le motif de la route?
Passager, je dessine sur des carnets ou sur ma tablette. La route est devenue une véritable religion en ce que nous nous soumettons tous à son trajet inexorable. Ses étapes, haltes, sa signalétique et ses stations, comme celles d’un véritable chemin de la passion, établissent un langage commun devenu universel qui m’intéresse par ses injonctions contradictoires – liberté et péage, rêve et vigilance, ivresse de la vitesse contenue et abstinence, déchaînement de chevaux et culpabilité de leur maîtrise, bonus et malus, lignes pointillées et rubans continus.
J’aime les analogies entre les trajectoires des glissières, l’ondulations de la route, la vitesse d’exécution des tracés, et l’accroche ou le glissement des outils sur le papier ou la vitre de l’écran tactile, surprise des chaos, de la pluie, les changements des saisons, la course sans fin des nuages. Il me semble que la route est devenue le seul lieu perspectif dans un univers désormais plat et fini. Être sur les réseaux sociaux, qu’est-ce que cela vous apporte en tant qu’artiste?
J’aime beaucoup découvrir des travaux d’autres artistes, particulièrement dans le domaine de la gravure, qui vit un très grand renouveau. Je peux le faire aisément grâce aux réseaux sociaux.
Quelle est votre actualité, quels sont vos projets en cours? Actualité en berne, j’aimerais pouvoir faire mes expositions prévues, annulées et reportées, dans des Kunstverein en Allemagne à Baden-Baden et Offenburg, dans une galerie à Sète, et éditer en cahier les dessins que j’ai réalisés sur la route.
«La route est devenue une véritable religion en ce que nous nous soumettons tous à son trajet
inexorable. Ses étapes, haltes, sa signalétique et ses stations, comme celles d’un véritable chemin de la passion, établissent un langage commun devenu universel qui m’intéresse par ses injonctions
contradictoires…»