Roaditude

À 160 KM/H DANS LA CAMPAGNE CAFÉ RACER : PLEIN POT !

- Texte Walter Steiner, La Tour-de-Peilz, Suisse

Derrière le modèle de motos culte et contempora­in du Café Racer se déroule une histoire singulière. Elle a vu le jour quand de fougueux anglais ont défié les codes de la route et de la mécanique sur fond de rock et de fureur de vivre.

Glisser une pièce dans le juke-box et pendant que les premières notes résonnent, sortir du café, courir enfourcher sa moto Triumph aux contours rendus anguleux par une savante customisat­ion. Se lancer à 160 km/h sur la route champêtre qui s’ouvre devant soi, jusqu’à un point prédétermi­né. Faire demi-tour, revenir à la même folle allure jusqu’au point de départ avant que le morceau ne soit terminé. Telle est la mission du Café Racer. Une pratique née dans le sillage de la Seconde Guerre mondiale, à l’aube des années rock‘n’roll. Passée dans la légende, cette ivresse de la vitesse, de la mécanique et de l’esthétique rockers puise ses racines dans la place singulière que tient la moto dans l’histoire et la culture anglaises. En retour, elle a produit un imaginaire, nourri des vocations et durablemen­t influencé le champ de la mécanique et de la pratique du deux-roues.

EN ANGLETERRE

L’histoire des diverses pratiques de la moto, des améliorati­ons et innovation­s initiées tant par les amateurs que les profession­nels est largement documentée. Après avoir été une curiosité d’ingénieurs bricoleurs, le motocycle est vite devenu la coqueluche des pays industrial­isés. Militaires, sportives, routières, urbaines, ou tout-terrain. Carénées ou non, customisée­s, en mode trial ou cross… Elles ont porté les noms de « roadster », « scrambler », « bobber » ou « chopper », sans oublier ceux de « rat bikes » ou « bitza » (bits of). Si l’imaginaire collectif a tendance à superposer cet univers à celui des grands espaces américains, ce sont bel et bien les Britanniqu­es qui ont créé les premières marques mythiques – Triumph, Norton, Matchless, BSA – et leur ont donné leurs routes comme pistes de lancement.

L’engouement, dès 1907, pour les Tourist Trophy Races de l’île de Man – qui ne connaît pas à l’époque de limitation de vitesse – ou les motos monocylind­res ou bicylindre­s se mesurent sur des tronçons de route de 24 kilomètres, va perpétuer le goût pour la vitesse. D’abord cantonnées aux chemins agricoles et aux voies peu entretenue­s de l’arrière-pays, la moto va peu à peu bénéficier d’une améliorati­on substantie­lle des infrastruc­tures. Durant la première moitié du XXe siècle, les villes anglaises se sont fortement développée­s, et des portions de périphériq­ue ont été construite­s. À intervalle­s irrégulier­s, ces tronçons rapides sont jalonnés de stations essences et de «transport cafés», équivalent­s des relais routiers. Dès la charnière des années 1950, alors que le rock’n’roll explose, de jeunes gominés, en uniforme de cuir, chaussé de boots qui laissaient entrevoir des chaussette­s en laine blanches, en avaient fait leur QG. Ils portent le nom de Ace Café ou Busy Bee Café, sur la North Circular Road, le grand anneau qui entoure Londres. Le passe-temps de ces rockers : rouler à tombeau ouvert d’une aire à l’autre au guidon de leurs bécanes, dont ils avaient sacrifier tout confort au profit de la vitesse. Le trajet aller-retour devait être effectué avant que le morceau du juke-box ne se termine. Ils sont les « greasers », les « Ton up boys », les « rockers », les « leather boys ». Leurs défis, leur esthétique et les véhicules qu’ils chevauchen­t, inscrivent la légende fondatrice des Café Racers.

MODÈLES CUSTOMISÉS

Équipées pour le transport, suffisamme­nt robustes pour contrer la rudesse des chemins boueux et peux entretenus, les motos d’origine ont été quelque peu désossées par les adeptes de la vitesse et de l’aérodynami­que. Toutes les parties superflues étaient ôtées, ne maintenant pour les motos qu’une apparence brute, utilitaris­te tandis que les moteurs étaient préparés pour atteindre leur puissance maximale. Réservoirs et carénages étaient le plus souvent en aluminium et dépourvu de peinture.

L’élément le plus distinctif est sans doute le guidon bracelet, le « Ace handlebar ». Conjugué à des commandes positionné­es plus en arrière, il confère une position couchée et aérodynami­que au pilote. Pour parfaire cette ligne, une selle monoplace était installée, avec une butée qui correspond davantage aux motos de circuit. Les vieux monocylind­res n’étant plus assez efficaces, on se tournait vers les nouveaux et imposants bicylindre­s qui avaient fait leurs preuves en compétitio­n. Triumph Bonnevile, Norton Commando, BSA Rocket. Quelques modèles se sont hissés dans la légende de

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