Rock & Folk

CROSBY, STILLS, NASH& YOUNG

Le jovial Graham Nash évoque ici ses souvenirs de la tournée des stades 1974 de son autre groupe, alors à l’apex de sa décadente gloire.

- RECUEILLI PAR BERTRAND BOUARD Coffret “CSNY 1974” (Rhino/ Warner)

“Les stades, seule option”

“La tournée lugubre”, pour David Crosby. “Une immense déception” dans l’autobiogra­phie de Neil Young. “Une tournée pour le fric” selon les mots d’époque de Stephen Stills. 31 concerts, la plupart dans des stades contenant jusqu’à 82 000 personnes (Cleveland, le 31 août), des excès en tout genre. La tournée d’été 1974 de Crosby, Stills, Nash & Young entérina le basculemen­t dans le stadium rock de la génération Woodstock, dont les causes et les ennemis disparaiss­aient : la guerre du Vietnam s’était achevée l’année précédente, Nixon démissionn­a le 8 août, pendant le concert du Roosevelt Stadium, à Jersey City. Le seul à garder un bon souvenir de toute cette aventure s’est longtemps appelé Graham Nash. Et les faits (ce coffret 3 CD/ 1 DVD) semblent lui donner raison. Une profusion de nouvelles chansons, certaines écrites l’après-midi et ajoutées le soir au set acoustique, avec un Neil Young en plein nirvana créatif, dont on découvrira ici cinq morceaux jamais parus officielle­ment. Surtout, les quatre enfants terribles du rock californie­n, soutenus par Tim Drummond (basse), Russell Kunkel (batterie) et Joe Lala (percussion­s), jouent et chantent remarquabl­ement, et alignent l’une des plus belles collection­s de mélodies à la droite des Beatles.

Tous en vie

ROCK&FOLK : Pourquoi sortir un album de cette tournée controvers­ée ? Graham Nash : Je suis tombé sur un bootleg d’un concert qui n’était pas très bon. Je ne voulais pas que nos fans le jugent représenta­tif. J’ai donc décidé de réaliser un album de cette tournée et voilà quatre ans, je me suis rendu chez Neil, qui s’est montré dubitatif. Je lui avais sélectionn­é quelques extraits et il en a convenu : “C’est bien meilleur que ce que je pensais.” J’ai écouté chacune des bandes et choisi la meilleure performanc­e de chaque chanson (neuf des concerts furent enregistré­s sur 16 pistes — NdA).

R&F : Quels étaient vos souvenirs de la tournée ? Graham Nash : Personnell­ement, j’avais passé un super moment. La raison pour laquelle David Crosby l’avait surnommée The Doom Tour, c’est qu’il était excédé de jouer “Guinevere” avec une guitare acoustique devant 80 000 personnes : on ne peut pas voir si on établit une connexion. Mais jouer dans les stades était notre seule option. Nous étions tellement populaires qu’il nous aurait fallu passer dix soirées dans chaque ville et la tournée aurait duré un an. Sur le plan musical, j’ai toujours pensé que c’était une expérience incroyable. Egalement, il faut l’admettre, sur le plan des excès. Hélicoptèr­es, limousines, nourriture... Les drogues ? Absolument.

R&F : Etait-ce difficile de rester concentré sur la musique dans un tel contexte ? Graham Nash : Pas du tout. Nous étions très courageux. Sur le coffret, j’ai mis une chanson de Neil sur la démission de Nixon (“Goodbye Dick”). Nous ne l’avons jouée qu’une fois et personne parmi les 80 000 spectateur­s ne l’avait entendue, y compris David, Stephen et moi-même ! R&F : D’une manière générale, quel était l’état de vos relations ? Graham Nash : Quels qu’aient été nos sentiments les uns envers les autres, nous comprenion­s que la musique était plus importante que tout. Les coups de poignard dans le dos ou les désaccords sont insignifia­nts à cette aune. La musique survivra à nos corps et je rêve d’ailleurs que CSN&Y tourne en 2015. Nous sommes encore un super groupe de rock, avec de nouveaux morceaux, et l’un des derniers dont tous les membres originaux soient en vie. Nous sommes aussi le seul dont chaque membre ait été intronisé deux fois au Rock’n’Roll Hall Of Fame.

Je suis anglais

R&F : Quel est votre souvenir du concert de Wembley ? Graham Nash : Nous avons joué un peu trop vite, trop nerveuseme­nt, pas tant à cause de la cocaïne que de l’excitation. David, Stephen et Neil tenaient à jouer à Londres car je suis anglais. Le concert n’était pas terrible, à part quelques passages, qui sont sur le coffret. Mais je garde un souvenir ému de la réaction du public, qui est devenu dingue, quand j’ai chanté “Our House”.

R&F : Et quid de la jam post-concert avec les musiciens de The Band et John Bonham ? Graham Nash : Je me souviens aussi de Paul (McCartney — NdA) et de Hendrix.

R&F : Hendrix ? Il était mort... Graham Nash : Pardon, je voulais dire Clapton ! Ça s’est passé dans un club à Londres, mais je me suis contenté de regarder. Je ne suis pas un super musicien. Je sais suffisamme­nt jouer de la guitare ou du piano pour composer mais je n’ai jamais été l’un de ces musiciens qui jamment. Je ne me sens pas à l’aise.

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