Rock & Folk

RIVAL SONS

Elégant quoique tout en puissance, le quartette californie­n semble avoir les armes pour dominer la concurrenc­e en matière de rock lourd.

- JONATHAN WITT Album “Great Western Valkyrie” (Earache)

Qui aurait pu croire qu’en 2014, le heavy rock doré de ces chères seventies opérerait un fracassant retour ? Car enfin, entre Kadavar, Ghost, Uncle Acid And The Deadbeats, Blues Pills, Naam ou Orchid, on ne sait plus où donner de la tête... Dans cette catégorie bien encombrée, donc, Rival Sons vient de livrer un disque post-zeppelinie­n ultime, le joliment intitulé “Great Western Valkyrie”. Et déjà, quelque chose semble changer pour le quatuor de Long Beach : le voilà invité à clôturer le Grand Journal avec, en prime, une présentati­on pour le moins laudatrice de la part d’Antoine de Caunes...

Le flingue dans le cul

Lorsque l’on débarque sur le plateau du fameux talk-show, ce n’est pas la voix flûtée de Doria Tillier qui nous reçoit, mais bien un son lourd, d’une puissance extraordin­aire. Logique : Rival Sons est en train de répéter les trois morceaux prévus pour le soir même (“Electric”, “Good Things”, “Open My Eyes”), scruté par de multiples caméras qui virevolten­t mécaniquem­ent. Le groupe californie­n apparaît sous un jour plutôt chic, la palme revenant au musculeux batteur Mike Miley, qui déploie une frappe bonhamienn­e terrifiant­e, vêtu d’un complet-veston. Le sujet du jour est donc “Great Western Valkyrie”, offrande compacte et sans faiblesse qui a été couchée loin des bases du groupe, à Nashville : “En fait, notre producteur fétiche Dave Cobb a déménagé là-bas, narre Mike. En arrivant on s’est dit : ‘Mmh, la Californie, c’est cool en fait.’ Mais ça nous a fait du bien de changer d’air. Comme à chaque fois, nous nous sommes mis une contrainte de temps. Cette fois, c’était six semaines pour tout faire, jusqu’au mixage. Je pense que s’imposer une telle limite nous met le flingue dans le cul, avec le chargeur plein (rires). On est dans l’obligation de sortir quelque chose.” Lorsqu’on lui fait remarquer que l’ombre du Dirigeable plane sur l’affaire, le polyglotte marteleur ne se dérobe pas : “Sur ‘Open My Eyes’, c’est vrai que la partie de batterie est un peu plus qu’un hommage à ‘Kashmir’. Mais en l’occurrence, celui qui est vraiment obsédé par Led Zeppelin, c’est notre producteur Dave Cobb. Il admire énormément ce groupe, parce qu’il a vraiment fait évoluer les choses en matière de son. C’était un peu comme Godzilla qui arrive sur la scène rock de l’époque et qui détruit tout. Un truc épique, gigantesqu­e.” Cela dit, nos madrés Californie­ns s’affranchis­sent à plusieurs reprises de cette encombrant­e référence. Ceux qui se décrivent “comme quatre forces opposées qui s’agrégeraie­nt ensemble” peuvent même parfois faire penser aux Animals (“Good Luck”) ou aux Zombies (“Good Things”), influences qu’ils revendique­nt avec un large acquiescem­ent. La ballade écorchée “Where I’ve Been” appartient elle aussi à ces exceptions. Cette fois, c’est Jay, qui a troqué ses cheveux raides façon Ozzy pour une mèche accompagné­e de favoris, qui nous éclaire : “Pour ‘Where I’ve Been’, je voulais écrire une sorte de valse country. C’est l’histoire de deux personnes différente­s qui ont toutes les deux un passé douloureux. Dans le premier couplet, il y a cette femme qui est une ex-junkie et qui a dû se prostituer pour avoir de quoi se payer sa came. Et dans le deuxième couplet, c’est la même chose pour un soldat qui revient de la guerre et qui parle de tout ce qu’il été forcé d’y faire. Et les deux tentent de se mettre ensemble... Il faut parfois faire fi de son passé pour aller de l’avant.” Un récit plutôt inhabituel pour une formation de ce type, et qui illustre bien la personnali­té introverti­e de Jay, à l’opposé de celle de son partenaire Scott Holiday, l’exubérant guitariste aux moustaches recourbées : “On est comme une famille, explique Jay d’une voix douce. Ça peut être difficile de se supporter tous les jours, parce qu’on est très différents, mais on s’arrange, on donne à chacun un espace pour s’épanouir de la façon dont il le souhaite. C’est un gros travail de patience.”

El Camino

Sur scène, en tout cas, l’alchimie est explosive et, pour Mike, l’avenir semble radieux : “On trace notre chemin en essayant d’innover à chaque fois... As-tu déjà labouré ? Quand on laboure dans la boue, c’est difficile de garder le cap. Si tu tournes la tête et que tu regardes derrière toi, tu peux être sûr que ça va merder. Donc il faut aller de l’avant. Je suis très fier de ‘Great Western Valkyrie’ et je pense que c’est notre meilleure collection de chansons. Il y a une unité, un cheminemen­t. D’ailleurs on pensait l’appeler ‘El Camino’ (rires)... Mais c’était déjà pris.”

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