Rock & Folk

MAC DeMARCO

Attendu dans le rôle du branleur/ sauveur, le jeune bricoleur canadien expose ici sa vision des choses, en toute décontract­ion.

- RECUEILLI PAR THOMAS E. FLORIN Album “Salad Days” (Captured Tracks)

Ce Canadien de 23 ans remplit les salles plus vite que l’éclair, la jeunesse que l’époque a baptisé hipster lui voue un culte suspect, des journalist­es s’émeuvent à l’écoute de ses albums... Gentillet, le soft rock de Mac DeMarco ne résonne que trop avec l’époque pour être ignoré. Alors, ce Mac-là fait-il la pute ou est-il en passe de devenir la voix de sa génération ? Ecoutons le prophète.

Sans prétention

ROCK&FOLK : Pour commencer, pouvez-vous vous expliquer sur votre son de guitare dont vous avez dit qu’ “aucun musicien sérieux ne l’aurait utilisé” ? Mac DeMarco : Oh... Ce ne sont qu’un Flanger, un Chorus, quelques merdes bizarres mélangées ensemble. J’enregistra­is chez moi sur une machine à bande, sans avoir aucun effet. Alors j’ai essayé ça sur la batterie, puis ma voix, puis la guitare. Là, je me suis dit : Merde ! C’est bizarre ce truc ! J’adore.

R&F : Ce qui est bizarre, c’est que pendant vingt ans, des gens ont souffert en entendant ces production­s dans les disques de soft rock. On pensait en être débarrassé et voilà que vous les remettez à la mode... Mac DeMarco : Yeah... Je ne sais pas. J’adore le soft rock, je trouve ça à mourir de rire. Ce n’est pas le genre de musique que je peux vraiment apprécier, mais j’adore en écouter. Ces hommes adultes qui font la musique la plus ringuarde du monde... C’est ridicule, non ? Moi, j’avais l’impression de faire du dead rock ou un truc du genre. Alors que mes anciens groupes, c’était du genre “Yeahhh !” On essayait d’être cool. Puis j’ai fait “Rock & Roll Nightclub” (son premier album solo — NdA). Je n’avais jamais fait de solo de guitare avant, trouvant ça complèteme­nt ridicule. Puis, j’ai trouvé ça marrant et maintenant, je suis dans cette esthétique à fond.

R&F : Comment vivez-vous tout ce fanatisme autour de vous ? Mac DeMarco : C’est assez sauvage. Je ne m’y suis pas encore habitué. J’espère que ce phénomène est dû à la musique. Mais Internet y est pour beaucoup. Il y a des tas de conneries dingues sur moi en ligne : des vidéos bizarres, des choses débiles. Si les gosses ont été attrapés par la musique, ils passent des heures à regarder ces trucs. Je comprends, je fais la même chose pour les groupes que j’aime. Puis, la manière dont je me mets en scène rend les gens très à l’aise avec moi. Du coup, ils viennent me voir : “Hey Mac, quoi de neuf ?” Et je suis là : Mais t’es qui ?! “Oh oh, tu ne me connais pas, mais je sais tout sur toi.” OK !

R&F : Voir quelqu’un écouter votre album, c’est un peu comme le voir sucer son pouce. Votre musique est très enfantine... Mac DeMarco : Ouais, je dois dégager ça... Mais je fais ce que je peux. Quand j’écris une chanson, je suis dans l’idée des Beatles : pas besoin d’être pointue, de dire quelque chose de profond. On peut faire du charabia, tant que la chanson chope l’oreille. It’s pop music, baby.

R&F : Maintenant que vous avez l’attention des gens, où voulez-vous les emmener ? Mac DeMarco : Je crois que je veux simplement les rendre heureux. Surtout pendant les concerts. Une fois que j’ai sorti une chanson, ils peuvent en faire ce qu’ils veulent. Mais en concert, j’essaye vraiment de donner une bonne vibration, de faire apprécier le moment à tout le monde. Puis l’ambiance, c’est 50 % le groupe, 50 % le public. C’est ça, la leçon que j’ai tirée des concerts de Jonathan Richman.

R&F : Sauf que lui a beaucoup plus de mal à remplir une salle que vous… Mac DeMarco : C’est parce qu’il est exigeant : il ne faut pas qu’il y ait l’air conditionn­é, il ne prend pas l’avion, refuse d’entrer dans un van, il veut pouvoir aller à pied d’un endroit à l’autre dans la ville... et puis, il aime peut-être les plus petites salles.

Amour du public

Au moment de montrer sur scène, devant une salle bondée et fanatique, l’on comprend mieux ce qui se trame avec Mac DeMarco. Comme dans cette interview, Mac et son groupe font les crétins. Le public, lui, fait le guignol. A la manière des Talking Heads en leur temps, ce groupe tombe à pic : il apporte à un public pensant “Crise” tout le fun, la fraîcheur et les rythmes pour s’amuser. Les chansons sont là, indéniable­ment. L’amour du public à son égard en est presque effrayant. Que Mac DeMarco devienne aussi populaire que MGMT, on en doute un peu. La question serait plutôt : dans dix ans, deviendra- t- il U2 ou Richman ? Les paris sont ouverts.

Newspapers in French

Newspapers from France