Institution punk
Faut-il rester fidèle à un genre musical quitte à se répéter, ou rechercher de nouveaux horizons au risque de décontenancer un public potentiel ? Ce dilemme ne concerne pas que les groupes autoproduits, mais il prend alors une importance particulière car
Après diverses expériences au sein de plusieurs groupes, Colin Chloé (de Brest) s’est lancé en solo en 2010 avec un premier essai proche de la chanson française. Pour son second album, même s’il a conservé une écriture exigeante en français, la tonalité est nettement plus rock et il a fait appel à une brochette de musiciens talentueux, dont Bruno Green et Pascal Humbert (qui oeuvrent actuellement aux côtés de Cantat dans Détroit), ce qui lui a permis de soigner son parti pris atmosphérique (dans la lignée d’un Bashung) en alternant tensions et apaisements provisoires (“Au Ciel”, Orange Productions/ Hasta Luego Recordings 06.87.28.47.79, distribution Avel Ouest). Avec sa potion à base de rhythm’n’blues millésimé, le trio parisien Coffee doit faire un tabac dans les bars où il est programmé. Conçu en 2008 comme un duo batterie/ chant/ guitare par les deux leaders de Soul Finger, il s’est étoffé avec l’arrivée d’un second guitariste, ce dont témoigne l’album enregistré d’une manière roots en live et en studio : au gré de compositions anglophones originales, il célèbre avec aisance et conviction un blues-rock teinté psyché qui est porté par une voix de vieux baroudeur et des guitares affriolantes (“Hoodoo”, Coffee 06.82.38.56.67). Delgado Jones & The Brotherhood est la dernière trouvaille de l’Eglise De La Petite Folie, label brestois expérimental qui cultive le mystère et la surprise créative. Ce groupe est le nouveau projet de Jacques Creignou, chanteur/ guitariste prolixe (ex-Poor Boy) qui a réuni trois autres musiciens pour s’immerger dans un télescopage d’influences où l’on croise aussi bien la pop garage ou le rock psychédélique que des souvenirs des années 80. Et le résultat de cet assemblage hétéroclite fonctionne au lieu de verser dans le n’importe quoi : l’album anglophone est touffu, déconcertant et attachant (L’Eglise De La Petite Folie 06.62.42.08.74). Punk forever : en dix ans de temps, Guerilla Poubelle est devenu une véritable institution du punk rock hexagonal et, à l’écoute de son troisième album, le trio énervé (où l’on retrouve les fils de musiciens des Dogs et de Gong) n’est pas prêt de se calmer : poursuivant l’aventure du rock alternatif des eighties, il cultive les brûlots combatifs, assénant des textes rebelles (et exclusivement francophones) d’une voix éraillée sur des rythmiques et des guitares trépidantes (“Amor Fati”, Guerilla Asso
06.72.63.33.09, distribution Pias).
sur des médias prêts à répercuter et populariser leurs raisons. Ils doivent donc se débrouiller seuls pour imposer leurs options artistiques et les nombreux disques qui parviennent à la rédaction (cinquante-huit ce mois-ci) reflètent la diversité de leurs choix.
Quatuor basé entre Calais et Dunkerque, Zoe n’a jamais dérogé, depuis ses débuts à la fin du siècle dernier, à sa passion pour un rock stoner teinté de hard rock seventies. Son troisième album (toujours anglophone) impressionne par sa puissance de frappe et s’appuie sur l’efficacité et la concision de morceaux ravageurs qui savent aller à l’essentiel et entretenir à leur manière l’héritage de Motörhead, avec une mention spéciale pour “Dusty Truck”, véritable brûlot aussi pétaradant qu’impeccable (“Raise The Veil”, LX/ Great Dane Records
✆ 06.84.62.49.56). Le trio nantais Faune, en piste depuis moins de deux ans, ne manque pas d’inventivité. Si son influence première reste les Pixies, il se rapproche de la démarche d’un Dominique A pour son alliance d’une rigueur pop-rock et d’un véritable travail sur les textes, essentiellement francophones. Ce second EP six-titres revendique un aspect aventureux et mitonne la pop à toutes les sauces (musique planante, afro, electro) pour se mettre au service des chansons et d’une délicatesse vocale et instrumentale qui n’entend pas se figer dans des carcans imposés (“EP#002”,Faune ✆ 06.89.34.34.32). En activité depuis 2007, Le Skeleton Band aime brouiller les pistes : après avoir enregistré au Kaiser Studio un premier album très garage, il s’est éloigné du rock lors de son deuxième album et largue les amarres avec ce troisième (mixé par Graig Schumacher qui officie avec Calexico) : instruments et ambiances hétéroclites, cabaret, petites pièces instrumentales que ne renierait pas Pascal Comelade, chanson mutante façon Arthur H ou bribes de chanson réaliste... Cet enchevêtrement de styles et d’influences crée un bastringue porté par une nostalgie offensive (“LaCastagne”, LeSkeletonBand ✆ 06.88.68.14.64). Comme beaucoup d’autres groupes récents, le trio rennais The 1969 Club a été durablement marqué par les White Stripes. Deux ans après ses débuts, son second EP cinq-titres impose d’entrée de jeu un rock hypnotique et un parti pris garage moderne, aussi à l’aise dans les tempos plombés (“Waves”) que dans les soubresauts plus toniques (“We Are Back From The Hells”), au gré d’une voix féminine fougueuse (et anglophone) bien secondée par des rythmiques et une guitare inspirées (“Ivory”, The1969Club ✆ 05.55.85.61.44).