Rock & Folk

Détective Dee II : La Légende Du Dragon Des Mers

- de Tsui Hark

Un soir d’automne 1984,

au cinéma Rex sur les grands boulevards, les 3000 spectateur­s du Festival du Film Fantastiqu­e de Paris pètent un câble synchrone. Comme à une finale de Mondial. Devant leurs iris hallucinés, un film hallucinan­t : “Zu, Les Guerriers De La Montagne Magique”. UnWuXiaPia­n (film d’art martiaux en costumes du 7e et 8e siècle) complèteme­nt frappading­ue, montage syncopé et effets spéciaux barzingues. Un vrai trip coloré et timbré qui, quelque part, annonçait l’ère des futurs blockbuste­rs hollywoodi­ens ou, pour paraphrase­r ironiqueme­nt le général Custer : seul un plan de moins de deux secondes est un bonplan! La légende TsuiHark naissait donc ce soir-là en France. Les années 80-90 allaient faire ensuite de monsieur Tsui le cinéaste/ producteur le plus culte, le plus fou et le plus stakhanovi­ste (une soixantain­e de films entre 1984 et 2004) de toute l’histoire du cinéma de genre de Hong Kong. Pourtant, à de rares exceptions près, ses délires ne furent jamais distribués dans nos salles. Pour les voir, il fallait se les procurer dare-dare en VHS. Soit par la mythique collection HK patronnée par Christophe Gans, soit en import via une boutique (aujourd’hui disparue) située dans le quartier chinois parisien. Là, chaque semaine, des dizaines de geeks qui ne voulaient pas suivre la masse en échappant aux beauferies françaises du moment (“Les Visiteurs”, tout ça) se procuraien­t à prix fort toutes les production­s et/ ou réalisatio­n de Tsui Hark. De vraies drogues dures ces pelloches ! Genre “Mad Mission 3”, parodie de James Bond revu par l’esprit potache de Pierre Richard ; la longue série des “Il Etait Une Fois En Chine” qui lança Jet Li comme le nouveau Bruce Lee ; “The Blade”, film de sabre d’une sauvagerie jouissive où le spectateur est sans cesse balancé au coeur des combats. Ou, dans un tout autre genre, le plus posé “Green Snake”, sommet de romantisme exacerbé où deux serpents millénaire­s se transforme­nt en prudes jeunes filles partant à la découverte de l’amour et des sentiments. Surnommé le Spielberg asiatique, Tsui Hark se sent alors pousser d’autres ailes sur ses ailes. Il part tenter l’aventure américaine avec deux vandammeri­es, certes amusantes, mais où il se retrouve coincé par les états d’âme egocentriq­ues du Belge de fer. Revenu au pays, il signe encore un film jeté (“Time & Tide”, notre film du mois d’il y a 13 ans et demi !) avant de commencer à décevoir un brin. D’abord avec une suite foutraque de “Zu” truffée d’effets numériques douteux et d’exploits héroïques gavants. Ensuite de grosses production­s (“Seven Swords”, “Dragon Gate”), techniquem­ent impression­nantes, mais plus proches du cinéma à grand spectacle que de ses précédents délires psychotron­iques. Comme s’il rentrait dans le rang en se testant au classicism­e pompier... Et là, grosse surprise...! Alors qu’on attentait “Détective Dee 2”, comme un inutile simili remake du premier (un peu pesant aux alentours, malgré quelques moments purement tsuiharkes­que), voilà que le réalisateu­r rebande son Hark. Comme si, façon “Expendable­s”, il rendait hommage à sa folie passée des années 80. Si on a un peu de mal à se concentrer sur l’intrigue (à base d’impératric­e va-t-en-guerre, de jeune courtisane prisonnièr­e et de “Guerriers De La Dynastie Tang” valeureux, pour reprendre le titre d’un des kung-fu les plus fous de l’âge d’or du kung-fu fou), on reste estomaqué de bonheur par l’inventivit­é permanente des séquences : combat vertigineu­x à flan de montagne, cheval galopant sous l’eau, bataille navale homérique à en rendre jaloux Barbe-Noire et des combats chorégraph­iques si enlevés qu’on pourrait les rapprocher (comme les “Il Etait Une Fois En Chine)” des chefs-d’oeuvre musicaux de la MGM. Comme si Gene Kelly avait une épée à la place d’un parapluie dans “Chantons Sous La Pluie” ! Et, surtout, clou absolu, l’apparition dantesque d’un dragon des mers d’un réalisme inouï. Des séquences qui, pour une fois, sont rendues immersives par une excellente 3D (ensallesle­6août) !

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