Rock & Folk

PARQUET COURTS

Talentueux dans la décontract­ion, le groupe de Brooklyn a confirmé avec le récent “Sunbathing Animal”. Face au magnéto, Austin Brown, chanteur/ guitariste en quête de respectabi­lité.

- ERIC DELSART Album “Sunbathing Animal” (Rough Trade/ Beggars)

Quand on a interviewé Parquet Courts l’an dernier dans la foulée de son passage fracassant à la Route Du Rock, tout le groupe était présent à l’exception d’Austin Brown, co-leader de la bande et chanteur sur de nombreux morceaux (“Master My Craft”, “Bodies Made Of”). Le guitariste s’était ce jour-là octroyé une journée de repos pour visiter Paris avec sa copine et avait laissé Andrew Savage livrer sa version de l’histoire du groupe (R&F 554). On a finalement réussi à mettre la main sur Austin Brown cet été quelques heures avant le concert parisien de Parquet Courts au Divan du Monde. On lui rappelle sa fuite de l’an dernier, Brown sourit et fanfaronne : “Je suis sûr qu’Andrew vous a dit des choses intéressan­tes, mais maintenant vous êtes de retour pour la vérité”, avant de se jeter une lampée de vin rouge.

Activistes travailleu­rs

C’est cette attitude laid-back et ce recul sur les choses — qu’on voit sur ses pochettes de disques truffées de commentair­es ironiques — qui valent aujourd’hui à Parquet Courts d’être parfois perçu comme un groupe de punks peu sérieux. Le groupe vit mal cette image qu’il a récemment dénoncé sur son site officiel en mettant en exergue — sans autre explicatio­n — plus d’une trentaine d’extraits d’articles à son sujet où figurait invariable­ment le terme slacker ( branleur en français). “On a fait ça parce qu’on trouve que c’est une façon malhonnête de décrire le groupe, s’emballe Austin Brown. On ne peut pas empêcher les journalist­es de nous coller des étiquettes, mais celle-ci nous paraît injuste. Bien sûr nous jouons du punk, notre musique n’est pas polie, et nous l’aimons comme ça. Nous faisons partie d’une scène rock undergroun­d internatio­nale qui est passionnan­te, et cette image qu’on nous a collée nous a desservis car elle nous a fait passer pour des poseurs alors que nous sommes restés proches de nos racines do it yourself, faites d’échange et de débrouille.” Parquet Courts est en effet un groupe très actif au coeur de la scène de Brooklyn, proche aussi de ses fans avec lesquels il partage régulièrem­ent des compilatio­ns thématique­s à télécharge­r sur son site. Les Parquet Courts sont des activistes doublés de travailleu­rs. En moins d’un an, le groupe vient de publier un EP de cinq morceaux (“Tally All The Things That You Broke”) et son troisième véritable album au tout début de l’été (“Sunbathing Animal”). Sorti fin 2013, l’EP répondait au besoin du groupe de se débarrasse­r de l’ombre omniprésen­te de “Light Up Gold”, l’album qui lui a permis de percer. Sorti à l’origine en 2012 sur Dull Tools, le propre label d’Andrew Savage, l’album s’est lentement fait connaître grâce à un bouche-à-oreille insistant. Réédité à grande échelle par What’s Your Rupture? en 2013, l’album a ouvert à Parquet Courts les voies du succès et l’a propulsé parmi les jeunes groupes les plus enthousias­mants du moment.

Moins de notes

Seul bémol, quand Parquet Courts impression­nait Rock En Seine avec “Borrowed Time” ou “Yonder Is Closer To The Heart”, les musiciens commençaie­nt à se lasser de ces morceaux éculés sur la route depuis x ans. “On avait déjà beaucoup tourné pour ‘Light Up Gold’, on voulait avoir de nouveaux morceaux à proposer aux fans, explique Brown. En avril 2013, nous sommes allés en studio, on avait quelques chansons prêtes pour ‘Sunbathing Animal’ et quelques autres qui ne correspond­aient pas à l’humeur de cet album. On s’est rendu compte qu’en les mettant ensemble, elles formaient un vrai EP. Quant aux autres, on sentait vraiment qu’elles faisaient partie d’une histoire plus importante.” Cette histoire c’est “Sunbathing Animal”, album superbe où le groupe a sensibleme­nt ralenti la cadence et qui possède une cohérence d’ensemble qui le singularis­e du reste de l’oeuvre de Parquet Courts. “Sur le nouvel album, tout est plus simple, explique Brown. On a privilégié des rythmes répétitifs, on joue moins de notes. On voulait mettre les textes plus en avant.” Des textes subtils qui évoquent en filigrane la dualité entre liberté et captivité, et interrogen­t sur la vie d’artiste : “Nous vivons de notre art, nous sommes heureux de pouvoir le faire et de pouvoir voyager autour du monde, mais cette liberté implique aussi des obligation­s et des contrainte­s. C’est cette contradict­ion qui est au coeur de l’album.” D’où la métaphore du chat derrière la fenêtre qui, malgré sa captivité, profite d’un doux rayon de soleil. Prisonnier de son art, Parquet Courts est un groupe truffé de contradict­ions, c’est ce qui le rend passionnan­t.

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