Flyin’ Saucers Gumbo Special
“Swamp It Up !”
QUARTDELUNE/SOCADISC La Louisiane, c’est toujours le bordel. Une pagaille de styles impossible à caser dans un Mendeleïev de la nomenclature musicale, sauf à considérer qu’elle est le tableau à elle seule. Or les Saucers revendiquent presque toute la Louisiane. Ils ont un style urbain : cette soul aux nervures funky, et un profil rural : ce rock’n’roll aux arrondis tropicaux. Substrat country obligé, régionalisme zydeco, inévitables flammèches de rockabilly, de cajun, et ripostes de la secondline en call &response. Les Wild Magnolias et Dr John dans le chargeur, ils arrangent cet appareil sur une architecture orchestrale tracée au micron, avec une production fluide et légère même quand les mouvements sont roboratifs : il y a des choeurs et des cuivres. Le vitrail monte doucement en splendeur, une touche sensuelle après l’autre, dans les ambivalences de la fête, flambées de joie et poches de tristesse. Les Saucers le polissent de leurs mélodies trébuchantes, de leurs delays d’harmo, d’accordéon, de piano. Ils ont des invités plein la cale, dont Jimmy Burns qui aurait enregistré le dernier blues du XXe siècle, et Sugaray Rayford, “le dernierbluesshouterducircuit”. Ils reprennent “Rainy Night In Georgia” (la tristesse) de Tony Joe White et “Pray For Your Daughter” (la joie) d’Andre Williams. Celle-là, Sugaray n’aurait jamais osé la chanter dans son propre pays. Depuis le Grand Ouest où le noyau dur fait son calcium, les Saucers tirent leur 2e soucoupe immatriculée GumboSpecial, une extension qui marquait l’embarquement de la squeezebox à bord (accordéon). C’est de la belle cuisse, une cuisse d’hippodrome. CHRISTIAN CASONI