Rock & Folk

Powder Monkeys

“SMASHED ON A KNEE”/ “TIME WOUNDS ALL HEELS”

-

Dog Meat/ Cargo

Beaucoup oublient aujourd’hui que le rock’n’roll est parfois un jeu dangereux. Powder Monkeys, l’un des groupes australien­s les plus importants de ces vingt dernières années, en sait quelque chose. Aussi respecté dans l’undergroun­d que sous-estimé ailleurs, parce que souvent trop intense, le trio reste l’un des grands inconnus tombés au champ d’honneur. Désormais remasteris­és et enrichis, “Smashed On A Knee” et “Time Wounds All Heels” constituen­t les deux premiers volets de sa féroce trilogie. Le groupe se forme en 1991, et écume les pubs où il se forge une réputation scénique sismique. Plus loin que Little Richard et The Stooges, influencé par des groupes comme Billy Thorpe & The Aztecs, Buffalo, AC/DC et Angel City, ainsi que par l’attitude post punk et le son hardcore des aînés locaux (The Birthday Party aux frères californie­ns Black Flag), Powder Monkeys ravive la flamme du rock’n’roll à Melbourne. Emmené par la voix bluesy au papier de verre du compositeu­r et bassiste Tim Hemensley, et par la Gibson/ Marshall frénétique de John Nolan, tous deux échappés de Bored!, le groupe s’adjoint les services du batteur Timmy Jack Ray, ainsi que d’un harmonicis­te et d’un guitariste rythmique, rapidement écartés. Le premier album est enregistré en 1993 avec l’aide de la légende garage rock Mike Mariconda (The Raunch Hands, Devil Dogs). “Another Nite In Hell” fixe l’heure et l’endroit sur boogie cradingue. Pas de quartier. De “Persecutio­n Blues” à “Yin Yang”, jusqu’à la reprise chaotique de “I Thank You” de Sam & Dave (un titre longtemps introuvabl­e ici présent), le rock’n’roll se voit poussé dans ses ultimes retranchem­ents. “Brutalemen­t intransige­ant”, écrit Deniz Tek de Radio Birdman dans le copieux livret, avant d’évoquer l’ “essence”. Le groupe était aussi en passe de signer avec le label de Rick Rubin, mais le deal n’aboutit jamais pour d’obscures raisons. En désespoir de cause, chacun des membres devient junkie, ce qui n’arrête pas Powder Monkeys qui sort “Time Wounds All Heels” en 1995, considéré comme le meilleur disque du désormais trio. Réédité pour la première fois en vinyle, ce deuxième album enregistré en trois jours dans les studios ABC est surtout celui qui s’approche le plus de l’intensité du groupe en concert. De “In The Doldrums” à “Wasn’t Born Yesterday”, en passant par “The Supernova That Never Quits” qui n’a rien à envier à Motörhead (dont le groupe reprend un titre en bonus), les morceaux coupent tous plus le souffle les uns que les autres. Hemensley s’y révèle parolier inspiré, et rend même hommage au Marquis de Sade sur “2000 Sins”. Mais après un dernier album enregistré à Stockholm, le poète électrique meurt d’overdose en 2003, mettant un terme définitif aux activités du groupe qui, durant sa trajectoir­e de onze ans, n’a fait qu’une tournée en Europe (aux côtés de Wayne Kramer, The Nomads et Hellacopte­rs) et n’a jamais joué en France. N’empêche, avec ces deux classiques indispensa­bles à tout amateur de rock’n’roll haute énergie, Powder Monkeys a traumatisé du monde à Melbourne, et ce n’est que justice si l’onde de choc se propage ailleurs aujourd’hui.

 ?? VINCENT HANON ??
VINCENT HANON

Newspapers in French

Newspapers from France