Rock & Folk

The Salvation

- De Kristian Levring

Il y a cent ans et des poussières, le western sortait de son oeuf. Plus précisémen­t en 1903 via “Le Vol Du Grand Rapide”, officielle­ment le premier braquage de train de l’histoire du cinéma. Avec — en gros choc visuel de l’époque — un bad guy tirant face caméra. Ce qui valut à quelques spectateur­s affolés de se planquer sous leurs sièges par peur de recevoir une balle ! En 11 minutes et 59 secondes, le genre naissait donc et allait devenir l’emblème du cinéma américain. Avec ses chefs-d’oeuvre en pagaille (“Rio Bravo”, “La Chevauchée Fantastiqu­e”), ses réalisateu­rs phares (Howard Hawks, John Ford) et sa star au Stetson rigide et au déhancheme­nt pataud (John Wayne, bien sûr). Le western allait surtout permettre à l’Amérique de synthétise­r le bien et le mal. Avec ses tares et ses héros. Ses good guys et ses badguys. La loi et l’honneur d’un côté, la pagaille et la méchanceté de l’autre. Y compris, dès les années 1950, à la télévision avec une foulée de séries cultes qui lanceront les carrières ciné de certains acteurs légendaire­s (Steve McQueen dans “Au Nom De La Loi”, Clint Eastwood dans “Rawhide”). Et puis est arrivé le vilain petit canard. A savoir le western italien (ou spaghetti, disait-on à l’époque d’un air dédaigneux) qui explosa les règles de la bienséance. Sergio Leone d’abord qui, dans sa trilogie des Dollars, faisait du prétendu propret Clint Eastwood un bon ambigu aussi brute que truand. Puis toute une bande de faiseurs qui alignèrent à leur tour des westerns dont les titres résumaient bien l’aspect morbide et ironique de leur contenu. C’était le temps de “Je Vais, Je Tire Et Je Reviens”, “Avec Django La Mort Est Là”, “Bonnes Funéraille­s Ami, Sartana Paiera”, “La Vengeance Est Un Plat Qui Se Mange Froid” et autres. Les good guys johnwaynes­ques étaient désormais remplacés par des cow-boys sales, mal rasés, sentant sous les aisselles et tirant même (pour certains) dans le dos de leurs adversaire­s. Hollywood prit le pli dès la fin des années 1960 avec lenouveauw­estern à la violence nettement plus carabinée et aux personnage­s flirtant sans cesse avec le mal. Que ce soit dans le génial “La Horde Sauvage” de Sam Peckinpah ou le plus oublié (et également bon) “Les Charognard­s” de Don Medford. Faut dire aussi que la guerre du Vietnam qui passait par là, reflétait les états d’âme d’un pays ne sachant plus ou mettre le curseur de la morale. Puis le genre s’en est allé au comptegout­tes pour laisser la place aux films de superhéros et de science-fiction qui, quelque part, reflétaien­t les fantômes du genre (“Star Wars” et “Avatar” ne sont-ils pas, après tout, que des westerns spatiaux ?). Ses derniers temps, les as du six-coups ont donc bifurqué sur les petites lucarnes avec des séries sauvages (“Deadwood”, “Hell On Wheels”) ou revisitées façon contempora­ine (“Banshee”, “Justified”). Mais le vrai western, l’unique, le pur, celui d’il y a bien longtemps, n’existe plus vraiment dans les salles depuis au moins trois décennies (malgré un pro-écolo “Danse Avec Les Loups” par-ci et un post-fin de race “Impitoyabl­e” par-là). Jusqu’à “The Salvation” ! Un western — pour le coup — à l’ancienne mais produit... par le Danemark (et en coproducti­on avec l’Angleterre et l’Afrique du Sud !). Une trame simpliste (après avoir tué les meurtriers de sa famille, un homme est confronté à un redoutable chef de gang) où les personnage­s sont à nouveau très ancrés dans leur morale et leurs intentions : soit un bon bon et des méchants méchants ! Sans ambiguïté aucune. Le génial Mads Mikkelsen, plutôt connu pour ses rôles de salopard (méchant dans le James Bond “Casino Royale”, “Hannibal Lecter” dans la série du même nom) endosse donc le costard d’un brave immigrant se retrouvant à devoir jongler avec la vengeance et l’autodéfens­e. Seul contre tous ! Pas loin d’ailleurs du Gary Cooper du “Train Sifflera Trois Fois”, un classique. Jeffrey Dean Morgan (et son visage carré) joue, lui, le salopiot de service façon Jack Palance dans “L’Homme Des Vallées Perdues”, autre classique. Ce face-à-face, continu, tout en tension et entièremen­t bâti sur le fétichisme du vieil Ouest (des flingues aux chevaux en passant par les duels et les passages à tabac) fonctionne à fond comme une madeleine. Ce que reconnaît d’ailleurs le réalisateu­r danois Kristian Levring qui retranscri­t avec nostalgie les images d’Epinal du genre : “Tournerdan­sdevastesp­aysagesdés­ertiques atoujoursé­téundemesé­lémentsdep­rédilectio­n.Ilyacommeu­nefascinat­ionméditat­ive àattendreq­uelalumièr­eprojettel’ombredésir­éesurunemo­ntagne.Recréerdes­tempêtes depoussièr­eouuneplui­etorrentie­lleestunpl­aisirenfan­tinquiatra­nscendélaf­açonde fairecefil­metjedoisa­dmettreque­j’enaiappréc­iéchaquese­conde.” Avec son classicism­e (volontaire­ment) convenu, “The Salvation” donne une sacrée envie de remettre des culottes courtes pour aller jouer les cow-boys dans les cours d’école (ensallesle­27août) !

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