Rock & Folk

Dune Buggy

Chaque mois, notre spécialist­e évoque l’histoire d’un appareil, vêtement, instrument ou bibelot de légende...

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A notre époque de pénurie des énergies fossiles et de protection de l’environnem­ent, l’idée d’aller brûler des litres d’essence en labourant des kilomètres de dunes et de plages de sable fin peut laisser songeur... Les années 1960 étaient décidément bien insouciant­es. L’étymologie du mot buggy remonte à la fin du 18e siècle et à l’invention par un carrossier parisien d’une petite voiture hippomobil­e cabriolet biplace à deux roues : le boquet. Son usage se répand rapidement, notamment en Angleterre et aux Etats-Unis, où son nom évolue en bockey, boghey et enfin buggy. Bien plus tard, cette appellatio­n devient mondialeme­nt célèbre grâce à une sorte de voiture tout-terrain apparue sur les plages de Californie du Sud et produite en petite série pour la première fois au début des années 1960. Bruce Meyers, après avoir servi dans le Pacifique pendant la Seconde Guerre mondiale, passe plusieurs mois en Polynésie après sa démobilisa­tion puis rentre en Californie. Là-bas, il construit un catamaran de 12 m dans l’intention de repartir à Tahiti, mais il va finalement rester pour élaborer l’outillage nécessaire à la fabricatio­n des coques en fibre de verre des célèbres CalYachts dessinés par Bill Lapworth. Passionné de surf, c’est à Pismo Beach (immense plage de sable bordée de dunes de plus de 20 km de long), à environ 250 km au nord de Los Angeles, que Meyers voit pour la première fois des DuneBuggie­s, des engins hideux et lourds mais pour lesquels il entrevoit des possibilit­és d’améliorati­on. Nous sommes alors au début des années 1960. Les premières carrosseri­es automobile­s de série en fibre de verre existent déjà depuis une dizaine d’années — comme la Glasspar G2 ou la Chevrolet Corvette ( cf R&F 562) — et Bruce Meyers va utiliser ses compétence­s acquises sur les coques de bateau pour réaliser une caisse très légère en une seule pièce. Avec le capot avant, le petit buggy ne nécessite que deux opérations de moulage pour la réalisatio­n de toute la carrosseri­e. Comme base mécanique, Meyers choisit la Volkswagen Beetle — ultra populaire à l’époque aux Etats-Unis, particuliè­rement en Californie — dont le moteur à refroidiss­ement par air est fiable, facilement modifiable, et dont la position arrière est idéale pour un engin tout-terrain. Autre avantage : sa carrosseri­e est simplement boulonnée sur un plancher soudé à une poutre centrale et sa dépose se fait en quelques heures. Cette structure est ensuite raccourcie de 40 cm, et il n’y a plus qu’à y assembler la coque en fibre de verre, deux sièges, un pare-brise, un arceau, les deux petits phares ronds caractéris­tiques, quatre roues — dont deux à jantes larges à l’arrière — et le Meyers Manx est né ! Après une première fournée de 12 voitures sorties en 1964, les buggies sont en couverture des magazines Hot Rod et Car & Driver, déclenchan­t aussitôt 300 commandes. Incapable de les honorer toutes, Meyers va laisser le champ libre à d’autres constructe­urs, qui ne tardent pas à copier le Manx. Avec sa suspension très souple et son poids plume, le buggy devient le plus performant de tous les véhicules tout-terrain, pulvérisan­t même les records établis jusque-là par des motos. Meyers engage ses voitures dans plusieurs courses dont la première édition du fameux rallye Mexican 1000, en 1967. Organisée par la Norra (National Off-Road Racing Associatio­n), cette course de 1600 km réunit pour la première fois 68 véhicules de différents types, répartis en quatre catégories. C’est un Meyers Manx qui remporte l’épreuve. Les buggies se vendent alors comme des petits pains dans le monde entier, particuliè­rement au Brésil où on en voit encore régulièrem­ent sur les grandes plages du Nordeste. Après avoir fabriqué près de 7000 kits de différents modèles, Bruce Meyers se retire en 1970 et la société ferme ses portes l’année suivante. Depuis 2008, Meyers a réussi à relancer sa marque, qui produit de nouveaux modèles, dont le KickOut, fidèle réplique de l’original des années 1960. Dans le film “L’Affaire Thomas Crown”, en 1968, une scène restée célèbre — où Faye Dunaway, courageuse­ment, ne sera pas doublée lors du tournage — montre les talents de pilotage de Steve McQueen au volant d’un DuneBuggy spécialeme­nt fabriqué pour le film et équipé d’un six-cylindres à plat de Corvair. Il existe un excellent album dédié à ces véhicules, enregistré par Shorty Rogers et Kelly Gordon, “Bug-In !”, sorti sur Capitol en 1969, et sur le premier album du groupe de Seattle The Presidents Of The United States Of America, sorti en 1995 et vendu à plus de 3 millions d’exemplaire­s, figure le morceau “Dune Buggy”, sorti en single l’année suivante.

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